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à la Société. » Ajoutons que la mine donne à un ouvrier son logis qu’envieraient bien des petits bourgeois, une maison en briques, saine et accompagnée d’un petit jardin, qui peut suffire aux besoins de la famille, que le loyer est de 5 francs par mois, prix à peine suffisant pour l’entretien, que le charbon de la mine alimente le foyer et que le médecin appointé par la Société est gratuit pour l’ouvrier. Ce que nous disons pour Lens pris comme type peut s’étendre à toutes les autres concessions ; les différences ne sont pas notables et portent seulement sur quelques détails. MM. Basly, Lamendin, Evrard, Malagie et Moché devaient savoir tout cela, ainsi que tous les délégués, même cabaretiers, même épiciers ou maçons. S’ils ne le savaient pas, ils pouvaient s’en faire instruire, et, s’ils le savaient, ne devaient-ils pas ramener les esprits agités à une plus juste appréciation des choses, à une entente facile et prompte avec les agens supérieurs des compagnies, et épargner à leurs cliens, à leurs commettans une perte de plus de cinq millions de salaires, sans parler des autres détresses qu’ils ont accumulées autour d’eux. Si la grève qui se prépare va tout à l’heure être déclarée, elle sera sortie de leurs mains, et on la verra bientôt éclater et se développer sous leurs auspices.

Familiers au travail des mines et aux conditions qui le règlent et l’environnent, ces hommes intelligens, instruits, pleins de zèle pour leurs camarades, il n’en faut pas douter, ne risquaient-ils pas, en soulevant cette grève inutile, d’appeler une trop vive lumière sur certains mystères de la répartition des salaires ? On se plaint qu’ils ont diminué quand la production paraît avoir augmenté. Les sociétés offrent de prouver que leurs moyennes ont toutes dépassé les moyennes établies d’après les conditions du pacte conclu à Arras en 1891. Cependant on s’obstine à les accuser de tromper les ouvriers par leurs calculs, — on dit élégamment « par leurs trucs », — on prétend qu’elles les volent et l’on crie : « Au voleur ! » Comment voulez-vous qu’un brave ouvrier à qui l’on répète chaque jour qu’il est volé, comment voulez-vous qu’il ne se plaigne pas ? Il doit y avoir dans les profondeurs des galeries de secrètes manœuvres dont l’œil vigilant des syndicats ne s’est pas aperçu. Les ouvriers d’une taille sont au nombre de trois, assez souvent de quatre. Un seul dirige le travail et reçoit le salaire pour toute, l’équipe. Ce salaire, c’est la masse ; il s’agit de la partager. Lens le dit : l’ouvrier à la veine, le chef fait souvent ses conditions avec ses auxiliaires ; celui qui est inscrit dans les écritures de la société pour 5 francs peut consentir vis-à-vis du chef une diminution. L’ouvrier à la veine se gardera de le faire savoir à l’administration ; la production augmentera et en apparence la moyenne du salaire, calculée du dehors, diminuera. Voilà déjà