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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/828

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une des sources des erreurs de chiffres commises par le syndicat et par ses orateurs. Il en est une autre. Nous demandons la permission de ne l’indiquer que par une mise en scène du personnage principal. La quinzaine est écoulée, il passe à la caisse ; on lui remet une fiche où son compte et son décompte sont établis. Il a peu travaillé, sa veine était mauvaise, il a fait un charbon sale, il a été frappé pour ce fait ou pour tout autre, d’une, deux ou trois amendes ; il devrait toucher pour lui et son équipe une somme de 150 francs pour 14 jours de travail ; mais les retenues sont décomptées et il ne touche que 130 francs. Il met l’argent dans sa poche ; au besoin il en fait contrôler le montant par ses hommes. On voit clairement qu’il n’a touché que 130 francs, c’est tout ce que l’on voit. On se rend au cabaret ; c’est là que s’opère la distribution de la masse. Il vide sa poche sur la table et commence par prélever, ce qui est légitime, le salaire des auxiliaires qui travaillent à prix fixe, soit 7 à 10 francs pour les deux, le surplus est à partager entre les quatre ouvriers de l’équipe. On compte, on suppute et l’on arrive à constater que les salaires ont baissé et que la compagnie vole effrontément les ouvriers qu’elle emploie. Le chapitre des retenues et des amendes a été passé sous silence. Autre phénomène qui a certainement échappé à la vigilance du syndical. L’homme à la veine a touché 100 francs pour sa quinzaine. Il glisse 20 francs dans la poche des réserves et rapporte 80 francs à la maison. La femme, qui s’attendait au chiffre rond, crie, tempête ; elle ne doute pas de la droiture de « son homme » ; elle accuse la mine ; les salaires ont baissé. Vienne une grève ; privée de pain pour ses enfans, elle mènera les bandes à l’assaut des puits, elle traitera son mari de lâche s’il ne fait sauter quelque maison de porion et portera le drapeau rouge jusque sous le nez du gendarme bien empêché de sabrer la mégère qui crie : « Du pain ! du pain ! du pain ! » C’est une bien triste extrémité que celle des grèves, et ceux qui les fomentent se montrent bien cruels envers les ouvriers s’ils la font sortir de faux calculs, d’erreurs de jugement, ou menu ; d’un désir passionné, mais inopportun d’être utile à leurs semblables. Celle-ci, on va le voir, est issue d’un prétexte.

Ce prétexte, c’est la diminution des salaires, c’est-à-dire la violation par les compagnies du compromis de 1891. Et cela est si vrai qu’il est aussitôt abandonné sans être autrement formulé que dans les discours. La lettre adressée aux compagnies par MM. Basly, Lamendin et Evrard au nom du syndicat, à l’issue du « congrès » du 10 septembre n’en fait même pas mention. Elle se contente de reproduire les propositions adoptées, en élaguant sagement celle qui est relative au « respect dû aux ouvriers » et