Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consommation : la première enlace en quelque sorte toute la personne de chacun de ses membres, du moins toute la personne professionnelle ; la seconde, au contraire, n’établit entre ses membres qu’un lien très restreint, celui qui concerne les achats de telle ou telle catégorie d’objets ; encore ce lien n’est-il pas, d’ordinaire, obligatoire. La personne des membres est donc beaucoup moins engagée dans une société de consommation que dans une société de production, et c’est là une distinction capitale. La première est un groupement qui ne s’applique qu’à des actes peu nombreux de la vie, la seconde est un groupement qui absorbe toute la vie professionnelle, du moins tant que le lien coopératif n’est pas rompu.

Les sociétés coopératives de consommation, c’est-à-dire l’accord d’un certain nombre de consommateurs pour faire en commun des achats en gros par eux-mêmes ou par leurs délégués, et se les répartir en détail, en se passant de tout intermédiaire, constituent une des formes naturelles de la vie économique. Aussi en a-t-il dû toujours exister quoiqu’elles n’attirassent pas l’attention.

C’est dans la période de 1820 à 1850, en Angleterre, que des associations de ce genre se constituèrent d’après une certaine théorie et en proclamant bien haut le but qu’elles se proposaient. À la voix d’Owen, il naquit de 1820 à 1830 quelques Co-operative Magazine ; on a appelé cette décade, chez nos voisins, la période enthousiaste de la coopération ; elle fut suivie de la période socialiste de 1830 à 1844 ; enfin, de ce que l’on a nommé la période pratique à partir de 1844 année qui vit se constituer la célèbre société des Equitables Pionniers de Rochdale.

En même temps qu’Owen et avec bien autrement d’ingéniosité et de ressources intellectuelles, Fourier avait attiré l’attention sur tous les avantages de l’association, notamment pour la conservation et le débit des denrées[1].

Les sociétés coopératives de consommation peuvent se proposer trois objets différens : 1o préserver le consommateur des exigences excessives et des fraudes du commerce, notamment de détail ; lui assurer le bon marché et la bonne qualité des marchandises ; il s’agit alors d’une simple union de consommateurs ; 2o faciliter à l’ouvrier, à l’employé, au petit rentier ou fonctionnaire, l’épargne, en joignant pour lui, suivant une formule courante, l’économie à la dépense, en faisant jaillir même la première de la seconde, comme disent avec une manifeste exagération certains

  1. Nous ne voulons pas dire par là que Fourier n’ait pas signalé l’utilité de l’association au point de vue de la production proprement dite, mais cette partie de son œuvre était de nature à moins frapper le public et prête beaucoup plus à la critique.