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économats », comme on dit parfois, fondés par de grands patrons, soit individuels, soit collectifs, avec leurs fonds propres et souvent sous leur gestion directe ou celle d’employés qu’ils désignent. Le mot d’économats étant devenu depuis quelque temps suspect aux ouvriers, on a décoré beaucoup de ces établissemens de l’appellation de sociétés coopératives ; mais ils n’ont pas en vérité ce caractère. Les seules sociétés coopératives réelles de consommation sont celles où le capital a été réuni soit par la totalité de la clientèle, soit du moins par un groupe très étendu de cette clientèle, et où la gestion est faite soit par les associés directement, soit par leurs délégués, sans aucune intervention extérieure.

La raison d’être des sociétés coopératives de consommation n’est que dans l’économie que ces organismes peuvent procurer aux consommateurs associés. On a souvent parlé de l’écart entre les prix du gros et les prix du détail, des vols même et des fraudes de ce dernier commerce. Il serait très exagéré d’englober tout l’ensemble du commerce de détail d’un pays dans ces reproches de surenchérissement exagéré et de falsification des marchandises vendues. On peut citer un certain nombre de maisons, notamment parmi les grandes d’origine récente, qui ne prélèvent pour l’ensemble de leurs frais et pour leurs bénéfices qu’un léger écart entre les prix du gros et les prix du détail. D’autre part, même parmi les moyens et les petits commerçans, il en est un grand nombre, la majorité sans doute, qui répugnent aux falsifications ; s ils se laissent aller parfois à vendre des marchandises dans une certaine mesure sophistiquées ou portant une dénomination inexacte, c’est que le consommateur les y pousse souvent, même sciemment, en prétendant obtenir l’apparence d’une denrée sans consentir à mettre le prix qui serait nécessaire pour en avoir la réalité.

Tout en limitant, dans la mesure équitable, les critiques souvent adressées au commerce de détail, il est, toutefois, certain que, dans diverses branches, notamment dans beaucoup de celles qui se rattachent à l’alimentation, dans celles aussi qui concernent les engrais, la majoration des prix de détail est parfois énorme relativement aux prix du gros, et la difficulté est assez grande pour l’acheteur de contrôler la sincérité de la marchandise. D’autre part, en certains pays, notamment en France, une partie du commerce de détail, surtout dans l’alimentation, a l’habitude de faire crédit à sa clientèle, ce qui dans certains cas est utile à celle-ci, dans celui de maladie, par exemple, ou de chômage. Néanmoins, ces crédits entraînent une certaine perte d’intérêts et parfois aussi de capital qui oblige le commerçant à se récupérer