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aujourd’hui 4 milliards 300 millions : si l’on y joint les pensions de retraites servies à leurs ouvriers et employés par les compagnies de chemins de fer, de mines, par un très grand nombre d’administrations publiques et d’industries privées, on se rendra compte que les travailleurs des catégories les moins fortunées ne sont pas aujourd’hui aussi dénués qu’on parait le croire, ni de ressources dans le présent, ni de garanties dans l’avenir.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait rien à faire, mais seulement que tout n’est plus à faire et qu’il a déjà été beaucoup fait en détail. Le pas le plus difficile à franchir était de créer, de répandre chez les travailleurs isolés le goût personnel de l’épargne, sans lequel il n’est pas de caisse nationale de retraites capable de fonctionner. Le grand écueil que les institutions de prévoyance rencontrent à leurs débuts, c’est que chacun des participans, qui verse annuellement par exemple 30 francs à la caisse sociale, prétend en recevoir au moins 35 chaque année, de ladite caisse, en médicamens ou secours divers, sans quoi il estime avoir conclu une mauvaise affaire. L’organisation spontanée d’un État-providence, qui promettrait tout sans rien avoir, aurait pour résultat d’ancrer plus profondément en beaucoup de cerveaux l’espérance chimérique d’une rente gratuite que la collectivité se servirait à elle-même et qu’elle ne pourrait trouver que dans l’impôt.

Or les finances, c’est justement là où le bât nous blesse. M. Casimir Perier pense « qu’il faut plus équitablement répartir le poids de l’impôt ; qu’il faut, tenant compte des modifications qui se sont produites, depuis un siècle, dans la distribution de la fortune publique et dans la valeur respective des élémens qui la composent, remanier les contributions directes pour leur rendre le caractère qu’avait voulu leur donner l’Assemblée constituante, et atteindre surtout la richesse acquise. » La pensée du gouvernement semble ici un peu obscure.

S’agit-il de « remanier » les contributions directes pour les réduire ou pour les augmenter ? Parlant plus loin d’un relèvement des droits de succession, le président du Conseil a fait connaître qu’il n’aurait pour but que de permettre la déduction du passif dans le calcul des taxes à acquitter ; c’est une réforme depuis longtemps à l’étude et dont nous avons déjà souhaité ici même la réalisation. Il n’en résultera pour l’État aucun supplément de recettes. Quant aux idées fiscales de la Constituante, idées du reste très rudimentaires, je ne crois pas qu’il soit bien désirable de s’en inspirer. L’Assemblée de 1789 avait à extirper des abus séculaires, dont le principal était cet impôt arbitraire sur le revenu, impôt de répartition et non de quotité, que l’on appelait la « taille personnelle » ; son plus grand souci était de le faire disparaître. Elle demanda presque tout le budget des recettes à la terre, à l’impôt foncier.

Si l’on voulait remanier l’impôt foncier, on le pourrait sans inconvé-