Le 28 octobre 1893, j’étais à Cripple Creek, dans le Colorado (États-Unis d’Amérique), à trois mille et quelques cents mètres au-dessus du niveau de la mer. J’avais passé ma journée à parcourir en compagnie de quelques ingénieurs ce nouveau district minier, ouvert seulement depuis deux ans à l’activité des « prospecteurs[1] » et déjà peuplé de plus de douze mille personnes. Pour un baby camp, un campement dans l’enfance — comme les Américains l’appellent dans leur langue pittoresque — c’est un assez joli chiffre : aussi ne parlent-ils de leur nouveau-né qu’avec amour et dévotion. De tous les côtés des États-Unis, ils accourent visiter le domaine de Cripple Creek, les 108 mines baptisées des noms les plus variés et dont les travaux font ressembler les hauteurs environnantes à une immense fourmilière. Partout une activité intense : des bâtimens élevés comme par enchantement en une semaine ; des charrois incessans sur toutes les routes d’alentour ; des mineurs expérimentés affluant des autres parties du Colorado ou des États voisins. Le soir, assis dans le hall du Palace hôtel, éclairé à la lumière électrique tout comme les rues de la ville âgée de dix-huit mois, je lisais le journal du cru, le Broyeur (Crusher’s Gazette), qui n’est point le seul de Cripple Creek. Nous avons aussi une gazette du malin, et bientôt nous
- ↑ Gens qui font métier de rechercher les gisemens miniers.