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osait s’en vanter, « le ministère avait obtenu une grosse majorité et réussi à exclure de la Chambre quelques-uns de ses principaux adversaires. » Mais ce n’est pas de la sorte que se conduit dans un pays libre un gouvernement conscient de ses devoirs : « Quand le ministère en appelle au pays, son devoir est d’attendre le jugement du pays, et non de le capter. »

Puis, le marquis de Rudini s’attache pas à pas à M. Giolitti : il reprend phrase par phrase l’exposé du 18 octobre, — cinq jours après, le 23 octobre, — tandis que la déclaration est fraîche encore dans toutes les mémoires. Les finances et le crédit, M. Giolitti aborde d’un front serein ce sujet redoutable. Et cependant, en quel état laissera-t-il l’Italie ? « Les déficits s’accumulent, la foi publique est ébranlée, les recettes diminuent, le change s’élève, la rente baisse et la solidarité dans le mal entraîne et précipite toutes les valeurs, entamant, avec le crédit de l’Etat, les fortunes privées. » Et si ce n’étaient que les finances, mais tout le reste est à l’avenant, suivant M. de Rudini. Le gouvernement ? Il n’y a plus de gouvernement : les rênes en sont à terre. « Les autorités disparaissent, quand elles devraient paraître. Elles reparaissent quand elles devraient disparaître, elles sont conciliantes quand elles devraient être énergiques, brutales quand elles devraient être prudentes. Le sang est versé et l’on ne sait pas pourquoi, ou plutôt le sang est versé parce que, à Naples comme à Rome, les rênes du gouvernement sont à terre. » Que devient, d’autre part, dans ce naufrage du gouvernement, le prestige de la magistrature ? Cherchez-le, après le procès de la Banque romaine : « Ce procès a posé, devant la conscience nationale, d’une façon impérieuse, la suprême question de l’indépendance absolue et de l’inviolabilité de la magistrature. C’est sur ce cri que l’opposition devrait s’affirmer. » En échange de tant de misères, qu’est-ce que M. Giolitti apporte à l’Italie ? La reconstitution des partis ! Et encore, est-ce bien sûr ? Et d’abord, est-ce un bien ? « Lorsqu’on avance que le transformisme est fini, que la gauche parlementaire est ressuscitée, constituant un parti de gouvernement, on dit deux choses qui ne sont pas vraies. L’honorable Giolitti, imitant l’honorable Depretis, attire à lui des hommes dont il a longuement été séparé. Il n’y a qu’une différence : l’honorable Depretis se tournait à gauche ; l’honorable Giolitti, à droite et à gauche. » M. de Rudini le reconnaît ; il insiste même cruellement : à Dronero, M. Giolitti a fait, en une certaine mesure, acte de contrition. Mais que vaut le pentimento di Dronero ? Ce que vaut la contrition sans le ferme propos. Elle ne suffit pas à faire remettre les péchés.

M. Giolitti ne quitte pas le Piémont avant d’avoir envoyé la