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par exemple, 15000 litres de lait, en 1893, dans un établissement où 8000 litres avaient suffi en 1892, pendant que, d’une année à l’autre, les journées de malades avaient à peine varié. On ne s’étonnera donc pas que le lait, qui coûtait à l’Assistance publique 410000 francs en 1888, lui ait coûté 623000 francs en 1892. Et ce qui prouve qu’on est en présence d’un véritable gâchage, c’est qu’une simple observation, faite à un directeur, a suffi pour faire tomber la proportion, d’un trimestre à l’autre, de 69 litres à 52. Des inspecteurs se sont demandé comment les malades avaient pu absorber les énormes quantités d’alimens qui leur étaient attribuées sur les livres ; ils ont découvert que, pour masquer des dépenses non autorisées par l’administration, on faisait figurer au tableau des alimens fictifs qui n’avaient jamais été servis.

Ces faits, et bien d’autres que l’on pourrait citer, confirment ce dont on se doutait un peu d’ailleurs : que, non content d’augmenter sensiblement les charges de nos hospices, par les laïcisations regrettables auxquelles il a procédé, — le seul fait du renvoi des sœurs de l’hôpital créé à Berck-sur-Mer, par la Ville de Paris, pour les enfans débiles, exige au budget de 1894 l’ouverture d’un crédit de 30 000 francs, — le Conseil municipal n’exerce qu’une surveillance imparfaite sur cette branche, pourtant si intéressante, de son domaine ; que les « deniers des pauvres », comme on disait autrefois, sont mal gérés ; et que nos démagogues parisiens, si jaloux de leurs droits, si ardens aies étendre, ne s’appliquent pas à user de ceux qui leur appartiennent dans l’intérêt de la portion la plus malheureuse de leur clientèle.

Aujourd’hui que la situation des partis, à l’Hôtel de Ville, s’est un peu modifiée depuis les élections dernières, que le groupe le plus avancé, dit « de l’autonomie communale », puis, plus modestement, « des droits de Paris », ne forme plus dans l’ensemble qu’une minorité, il est fort à souhaiter que la fraction modérée, celle des « républicains municipaux », reprenne quelque influence sur les délibérations et sur les votes et soutienne un programme de travail plus fécond. Le conseil s’est enfin résigné, il y a quelques jours, malgré les socialistes, à discuter et à voter le budget de la préfecture de police, c’est-à-dire à exercer, pour la première fois depuis dix ans, un droit de contrôle dont il avait cru devoir se dessaisir par dignité, et qui pourtant est aussi utile à l’administration qui le subit, qu’aux mandataires du suffrage universel qui en sont chargés. Malgré les gros mots des intransigeans, dont l’un a traité les gardiens de la paix d’« êtres ignobles », tandis qu’un autre demandait pour eux « une muselière », la majorité de nos édiles a paru comprendre enfin que la préfecture de police n’était pas, suivant l’expression de M. Caumeau, « un véritable danger pour la République ».

Si le bon sens, longtemps banni des délibérations municipales, vient à y retrouver ses droits, la besogne ne manquera pas aux