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LES
CASTES DANS L'INDE

I.
LE PRÉSENT

Nous parlons souvent de « caste ».Si la chose est mal vue, le mot a fait une belle fortune. Il est pourtant d’origine étrangère et d’importation assez récente. Il nous vient du portugais casta et signifie proprement « race ». Quand ils entrèrent en relations avec les populations hindoues de la côte de Malabar, les Portugais ne tardèrent pas à remarquer qu’elles étaient divisées en un grand nombre de sections héréditaires, fermées, se distinguant par la spécialité de leurs occupations. Elles se superposaient en une sorte de hiérarchie, les groupes plus élevés se gardant avec un soin superstitieux de tout rapprochement avec les groupes réputés plus humbles. C’est à ces sections qu’ils donnèrent le nom de castes. Dix-huit siècles auparavant, les premiers Grecs qui eussent entre tenu avec l’Inde des rapports un peu étroits avaient été frappés déjà de cette singularité. Mégasthène, l’ambassadeur de Séleucus, apprit à ses compatriotes que les Hindous étaient partagés en « fractions » (μέρη) où les individus étaient, en quelque sorte, confinés, ne pouvant ni passer personnellement ni se marier dans une section autre que celle où ils étaient nés, ni choisir d’autre profession que celle qui leur était dévolue héréditairement.

Le fait est donc assez apparent ; le détail, les conditions parti culières en sont beaucoup plus obscures. A l’égard de tous, mais surtout de l’étranger, la vie privée de l’Hindou se ferme, s’enveloppe avec une sorte de timidité digne ; il n’est point aisé d’y pénétrer. L’organisme social de l’Inde, le jeu de ses ressorts, est