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Sur un point, l’Eglise a perdu du terrain : on lui a enlevé un privilège exorbitant, dont elle jouissait avant les grandes enquêtes de 1862 et 1865. Ces enquêtes ont révélé que l’Eglise établie s’était presque partout emparée des écoles dotées, — public schools et grammar schools, — et qu’elle en excluait tous les dissidens, si bien qu’une fraction importante de la communauté était privée du bénéfice de fondations faites dans l’intérêt public. Les actes de 1868 et 1869, qui ont mis en pratique un certain nombre des recommandations faites par les commissaires de 1862 et 1865, contiennent une clause spéciale, conscience clause, en vertu de laquelle les écoles dotées sont ouvertes aux familles de tous les cultes, à moins que le fondateur n’ait prononcé une exclusion formelle.

Telle est à larges traits l’organisation des grandes écoles anglaises.


Sans doute, dira-t-on, il serait à désirer que tous les enfans de la petite bourgeoisie pussent, comme ceux des classes dirigeantes, passer par les mains d’un tuteur. Mais le système tutorial, qui seul admet et établit l’action morale, directe et constante, du maître sur l’élève, du tuteur sur le pupille, n’est applicable et, en fait, n’est appliqué que dans les écoles aristocratiques. Pareille éducation est un luxe qui n’est accessible qu’aux riches. Quelle est donc la portée d’un tel exemple pour notre démocratie ? En France, nous tendons à faire participer à l’instruction secondaire tous les enfans de la petite bourgeoisie et les mieux doués parmi les enfans du peuple : en quoi pouvons-nous nous inspirer d’un système qui a pour effet, sinon pour but, de constituer une classe privilégiée ? — L’objection est spécieuse ; mais il est facile d’y répondre. Le système tutorial, avec son appareil traditionnel et coûteux, n’est en effet mis en pratique que dans les écoles à clientèle riche ; mais l’esprit d’où il est né, l’esprit d’Arnold et de ses continuateurs, règne dans toutes les autres écoles anglaises : il les a toutes pénétrées. Il est vrai que l’internat à bon marché n’existe pour ainsi dire pas en Angleterre : les familles de condition modeste placent leurs enfans dans des externats. Le fils de la petite et moyenne bourgeoisie, à moins qu’il n’ait conquis une bourse lui ouvrant l’accès d’une grande école, reste donc le plus souvent sous l’influence directe de la famille. Mais, pendant le temps qu’il passe chaque jour à l’école, il est soumis à une discipline essentiellement comparable à celle des public schools et à des maîtres dont la préoccupation dominante est de faire des hommes.