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De vieille date, les enseignemens propres aux écoles sacerdotales ont été condensés dans des sortes d’aphorismes appelés Soûtras. Nous en possédons de nombreuses collections. C’est à cette source qu’ont puisé les Livres de lois. Chacun, en dernière analyse, se rattache plus ou moins directement à l’une ou l’autre de ces traditions. Cette littérature technique couronne une longue élaboration que représentent les Brâhmanas, les témoins les plus reculés de la réflexion religieuse appliquée aux opérations du sacrifice. Livres singuliers où, au hasard des cérémonies successivement décrites, se coudoient les jeux étymologiques les plus hasardeux et un mysticisme pénétrant, des déductions enfantines et de hardies spéculations. Nulle part ils ne traitent de parti pris le sujet qui nous occupe. On n’y peut rencontrer que des indications accidentelles. Elles n’en ont que plus de prix, étant en somme assez clairsemées. Suivant un connaisseur éminent, M. Weber, « l’organisation des castes est, dès cette période des brâhmanas, en pleine floraison ; dès lors, nous nous trouvons en présence de la même situation qui nous apparaît, idéalisée et codifiée, dans les lois de Manou ». A défaut d’exposés complets, les allusions, les informations fragmentaires ne permettent pas d’en douter.

Les quatre castes y apparaissent installées déjà dans leur séparation et dans leurs privilèges respectifs ; les droits et les devoirs des brahmanes, en particulier, concordent absolument avec les descriptions plus modernes ; la pureté nécessaire de la race leur est dûment inculquée. Les membres des trois hautes castes sont tenus d’épouser une première femme de rang égal, sans préjudice, bien entendu, d’autres unions secondaires. La caste se perd par la négligence persistante de l’initiation ; elle se perdrait par beaucoup d’autres fautes, si des expiations graduées ne permettaient d’échapper à cette pénalité suprême. Tout commerce est interdit avec les exclus, patitas (tombés) ; aucune union avec eux n’est admise. Nulle nourriture ne se peut accepter de leurs mains. La préoccupation des contacts impurs est toujours présente ; on ne mange pas avec des gens de basse origine, on ne peut se servir des vases des çoûdras, et un brahmane ne peut être médecin, à cause des souillures que la profession rend inévitables. L’usage des liqueurs est désapprouvé ; l’usage de la viande est, au moins dans certains cas, interdit ; la chair de certains animaux, proscrite. Les castes mêlées elles-mêmes, le fait sinon la théorie, ont ici leur place. Bon nombre sont nommément énumérées.

Si les règles soutirent de nombreux tempéramens, cela n’implique nullement qu’elles soient en voie de formation. De nos jours encore, si nous prétendions réduire la coutume en formules