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« J’attends avec impatience de lire les mémoires de feu mon oncle… »

Lettre de Pierre Grand, avocat à la cour royale, à M. Rousselin de Saint-Albin, en date du 24 août 1831 : «… Dépositaire des papiers de Barras, vous avez entre les mains les documens les plus propres à démontrer qu’il est toujours resté fidèle aux principes qui l’avaient fait directeur… Le pays réclame depuis longtemps les mémoires de Barras, qui lui ont été solennellement promis. Il y a plus de deux ans et demi que j’annonçais devant les premières chambres du tribunal et de la cour de Paris que les mémoires de Barras paraîtraient avant peu… Citoyen, m’écriai-je, Barras remplissait un devoir de citoyen en dictant des pages qui seront bientôt de l’histoire… »

Enfin, je puis encore invoquer un dernier témoignage, absolument décisif, à ce qu’il me semble. J’ai trouvé dans les papiers de M. Rousselin de Saint-Albin une « chemise » renfermant un certain nombre de feuillets manuscrits couverts de l’indéchiffrable écriture de Barras. La lecture de ces feuillets, comme celle de deux grands registres autographes qui ont également subsisté, prouve indubitablement qu’on a sous les yeux non pas seulement de simples [notes, mais de véritables fragmens, complètement rédigés. Sur la « chemise », est écrit, de la main de M. Rousselin de Saint-Albin : « Récit de Barras sans interruption depuis le 18 brumaire jusqu’en 1828. Événemens particuliers. » Et au-dessus : « Employé. »

L’authenticité des Mémoires de Barras ne peut donc être mise en doute. Ces Mémoires, projetés par l’ex-directeur dès 1819, ont été pendant les dix dernières années de sa vie l’objet de sa constante sollicitude. Il en a rassemblé les matériaux lui-même ; lui-même a écrit ou dicté des notes qui devaient servir à la rédaction définitive. On savait dans son entourage qu’il travaillait à cet ouvrage, on en annonçait la publication, on l’attendait avec impatience, comme devant contenir des révélations « piquantes » sur les hommes et les événemens de la Révolution, et surtout comme devant répondre victorieusement aux attaques dirigées contre l’ancien membre du Directoire. Par quel enchaînement de circonstances ces Mémoires, célèbres avant même d’avoir paru, sont-ils restés inédits jusqu’à ce jour ? C’est sur quoi il importe de donner maintenant quelques éclaircissemens.