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que l’héritier légitime du trône, pour s’assurer la paisible possession du pouvoir, n’avait pas jugé inutile, même après sa conversion au catholicisme, de négocier avec le saint-siège pour se faire relever de l’excommunication dont il était frappé. Les députés du Tiers en grande majorité tenaient pour l’indépendance du pouvoir civil, et voulaient faire proclamer ce principe, qui est devenu celui de la société contemporaine, et qui dès cette époque était en faveur auprès de la classe moyenne, à la Sorbonne et au Parlement. Aussi avaient-ils inscrit dans l’article 1er  de leurs cahiers la déclaration suivante : « Il n’y a puissance en terre, ni spirituelle, ni temporelle, qui ait aucun droit sur le royaume. » Ils voulaient que ce principe fût enseigné et prêché dans toute la France, et que nul ne pût le contester. On aurait dû croire que le gouvernement serait charmé de l’ardeur apportée par le Tiers à défendre le pouvoir royal ; mais Marie de Médicis, autant par dévotion mal entendue que par attachement à l’alliance espagnole, était favorable aux prétentions pontificales, habilement soutenues par le nonce Ubaldini. La plus grande partie du clergé penchait naturellement du même côté. Le Tiers-état chercha un appui dans la noblesse et particulièrement dans les chefs de cet ordre qui venaient de se soulever contre le gouvernement de la reine mère et de Concini. Le prince de Condé et les autres grands personnages qui l’entouraient tergiversèrent pendant toute la durée des États-Généraux. C’est plus tard seulement qu’ils prirent nettement parti pour la doctrine du Tiers, afin de masquer les motifs intéressés d’une seconde prise d’armes. Puis ils s’accommodèrent de nouveau avec le gouvernement de Marie de Médicis, moyennant des faveurs, des places, des pensions. C’est ce qu’on a nommé la pacification de Loudun.

L’évêque de Luçon, aux États-Généraux, avait combattu la proposition du Tiers-état. Cette attitude peut surprendre de la part d’un homme qui plus tard défendit avec tant d’énergie les prérogatives du pouvoir royal et ne craignit pas, pour les soutenir, d’entrer en lutte avec la papauté. On croira peut-être obligeamment qu’il n’avait pas encore une opinion arrêtée sur ce point ; ou bien l’on peut penser avec plus de vraisemblance que, désireux d’être désigné comme orateur par le clergé, il aimait mieux laisser dans l’ombre la partie de ses idées qui aurait pu lui enlever la confiance de son ordre. Il atteignit en effet le but qu’il se proposait ; il fut désigné par le clergé pour prononcer en son nom le discours de clôture, comme le prévôt des marchands, Miron, fut désigné par le Tiers-état. Cette circonstance le mit en lumière et prépara les voies à son ambition.

Le Père Joseph, pendant la prise d’armes qui suivit la