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transforme et poursuit désormais la création d’une communauté indépendante, celle du Calvaire, dont Antoinette d’Orléans est la première abbesse et dont notre capucin restera toute sa vie le directeur spirituel.

Il n’entre pas dans notre plan d’étudier toutes les fondations pieuses, toutes les entreprises de propagande religieuse auxquelles le Père Joseph a concouru, et qui ont partagé avec la politique l’emploi de son infatigable activité. Si nous avons signalé, spécialement la création de l’ordre des Calvairiennes, c’est d’abord parce qu’elle fut son œuvre de prédilection, ensuite parce qu’elle amena sa première rencontre avec Richelieu. Le futur ministre de Louis XIII était plus jeune que le Père Joseph ; mais il avait été appelé dès l’âge de vingt-quatre ans au siège épiscopal de Luçon, devenu vacant par la mort d’un oncle paternel. Le jeune prélat, déjà influent, eut l’occasion de rendre quelques services au capucin, et de lui faciliter son projet de fondation, que d’autres évêques combattaient, et que même la cour de Rome, au début, accueillait froidement. Ces relations, d’abord très passagères, devaient se renouveler et se resserrer, quelques années plus tard, dans des circonstances qui méritent qu’on s’y arrête un instant.

De grands changemens s’étaient accomplis en France depuis qu’Henri IV était tombé sous le couteau de Ravaillac. Marie de Médicis avait mis une sorte de passion à se jeter dans une politique complètement opposée à celle de son mari. Au dehors, la France, abandonnant la défense des petits États contre l’ambition de la maison d’Autriche, abandonnant le souci de sa propre indépendance, se laissait traîner à la remorque de ce qu’on appelait le Conseil d’Espagne. Au dedans, les économies, soigneusement ménagées par Henri IV en prévision d’une guerre, étaient dilapidées ; les princes et les grands, exploitant le mécontentement populaire au profit de leur ambition et de leurs intérêts, avaient pris les armes contre l’autorité royale, représentée par un enfant, une femme faible et bornée, un favori méprisé. Le traité de Sainte-Menehould ne fit que suspendre la guerre civile, qui éclata de nouveau après un entr’acte d’un an rempli par les États généraux de 1614.

M. Hanotaux a exposé à merveille, ici même, les délibérations de ces États-Généraux, les derniers qui se soient réunis avant la révolution de 1789. Une des questions qui passionnèrent le plus les trois ordres fut celle de l’indépendance du pouvoir civil, personnifié dans la royauté, en face de l’autorité religieuse, représentée par le saint-siège. Bien qu’on ne fût plus au moyen âge, la question était loin d’avoir un caractère purement théorique. On sortait des guerres religieuses du XVIe siècle ; on ne pouvait oublier