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encore sur la féodalité, on ne tarda pas à percevoir l’influence croissante des exemples de la centralisation française. Nous la retrouverons sous l’administration de Hardenberg.


III

Altenstein paraît avoir eu plus d’ouverture d’esprit que Dohna. Il avait suivi comme lui la carrière administrative, mais n’était point du vieux terroir prussien. Il était né dans les duchés franconiens ; c’est par là qu’il s’était distingué comme auxiliaire de l’œuvre d’assimilation menée à bien par Hardenberg ; c’est par là qu’il avait pénétré dans l’administration prussienne.

Il avait l’esprit cultivé, du goût pour les idées générales, pour les généralisations philosophiques. Le grand mémoire qu’il avait rédigé en 1807, à l’appui du testament politique de Hardenberg, n’était point d’un esprit vulgaire. Lorsqu’il rentra dans le ministère, connue ministre de l’instruction publique, après 1817, il y réussit beaucoup mieux qu’il n’avait fait comme ministre des finances durant la tourmente[1]. Il avait le goût des arts, ce qui lui valut d’être chargé en 1815 du déménagement des richesses artistiques que Napoléon avait empruntées aux musées de l’Europe. À ces qualités, il joignait enfin un goût assez vif de l’intrigue. Il avait eu occasion de le manifester dans les relations mystérieuses qu’il avait entretenues avec Schön à la veille de l’avènement de Stein[2], puis dans les négociations qui avaient préparé la chute de Stein. C’est Altenstein qui avait introduit alors Hardenberg auprès du roi, qui avait facilité, comme intermédiaire officieux, la consultation et l’entrevue occulte du souverain et de Hardenberg. Par un revirement assez curieux, c’est encore une consultation officieuse et une collaboration latérale de Frédéric-Guillaume III avec Hardenberg qui allaient préparer et déterminer cette fois, par un procédé très semblable, la chute d’Altenstein.

On lui a reproché son insuffisance comme ministre des finances : elle fut réelle ; mais il faut bien reconnaître que le rôle de ministre des finances en Prusse en 1809 et en 1810 était un rôle sacrifié.

La Prusse était un État pauvre ; ni le crédit, ni l’industrie, ni la circulation monétaire n’y étaient développés. La crise de 1807,

  1. Seeley. Life and Times of Stein, II, p. 407.
  2. Aus den Papieren des Ministers und Burggrafen von Marienburg, Theodor von Schön, 1 et II.