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frappé du désaccord qu’il y avait entre eux, ainsi que du manque d’ordre et de clarté de la plupart des méthodes, défauts dont on a pu juger par ce qui précède, bien que j’aie laissé de côté tous les détails pour ne m’occuper ici que des points fondamentaux. Cependant il me sembla que toutes les dissensions qui séparaient les maîtres étaient plus apparentes que réelles, et je m’efforçai, en pratiquant le dressage des poulains et des chevaux rétifs, en expérimentant chaque jour les différens systèmes, de choisir un peu partout les moyens qui fussent les plus pratiques et en même temps les plus susceptibles de former un tout homogène.

Le savant Traité des résistances du lieutenant-colonel Gerhardt arrêta particulièrement mon attention sur la question de l’intelligence du cheval. Jusque-là, j’avais cru, comme tout le monde, à un certain degré d’intelligence chez cet animal ; je pensais qu’il fallait lui faire comprendre ce qu’on voulait qu’il fît et je tâchais d’employer les moyens les plus convenables. Je remarquais cependant de plus en plus que, décidément, les chevaux ne sont pas doués d’une perspicacité bien merveilleuse. C’est alors que, dans la deuxième partie du Traité des résistances, intitulée : Philosophie hippique, au chapitre De l’instinct et de l’intelligence, je trouvai cette phrase : « Or je le demande en conscience à tous nos hippiatres, à tous nos écuyers, à tous nos hommes spéciaux en matière chevaline, quels sont les signes de l’intelligence si surprenante que quelques-uns persistent à attribuer au cheval et que, pour mon compte, je n’ai jamais pu saisir ? » phrase qui malheureusement est fréquemment contredite dans le même livre. Je réfléchis à cela longtemps, longtemps ; je me mis à lire les ouvrages spéciaux et surtout à observer attentivement non seulement les chevaux, mais encore les chiens, à faire chaque jour de nouvelles expériences, et j’arrivai à me convaincre qu’en réalité il est impossible, si l’on veut examiner les faits sans parti pris, d’y trouver aucune manifestation d’intelligence, c’est-à-dire de choix libre, de volonté.

Or, il me semble, comme à La Guérinière, que les deux choses fondamentales que doit connaître quiconque veut entreprendre le dressage des chevaux sont :

1° La nature de l’animal ;

2° Le mécanisme de ses allures.

Le capitaine Raabe nous a révélé les lois de la locomotion d’une manière très exacte et assez complète pour permettre aux écuyers de savoir en toutes circonstances à quel instant précis ils doivent agir pour obtenir ce qu’ils désirent et comment l’animal peut l’exécuter. Ce point est donc acquis définitivement.