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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/956

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dans l’intelligence des intérêts permanens de ce grand et noble pays, « agent de justice et de progrès, » dit M. le ministre de l’instruction publique, qui connaît son histoire. Il déclare que « la pensée, la religion de la France l’obsède, » et il termine son allocution en demandant à son auditoire, « comme un apôtre, » de s’associer à lui. Il y a, en effet, de l’apôtre dans M. Spuller. Sa foi profonde jaillit en flammes subites et même imprévues. Ajoutons que, chez lui, cette foi est ancienne et n’a jamais varié. Elle ne s’est pourtant pas toujours exprimée avec le même abandon. Pourquoi ? C’est que les circonstances étaient autres : on ne pouvait guère parler de pacification alors qu’on était en plein combat. Mais aujourd’hui : — « Il y a un esprit nouveau qui souffle sur la France ! » — assure M. Spuller, et cet esprit souffle évidemment par sa bouche. Puisse-t-il souffler assez fort et assez constamment pour dissiper tous les nuages ! Nous avons bien constaté jusqu’ici quelques manifestations de l’esprit nouveau ; mais peut-être sont-elles un peu isolées, accidentelles, trop indépendantes les unes des autres. Pour devenir une vérité, l’esprit nouveau doit être un système de gouvernement et une méthode d’administration. Personne ne demande que l’on touche à certaines lois dont le parti républicain s’est particulièrement entiché et qu’il considère, à tort ou à raison, comme étant pour lui ce que le palladium était pour Troie, ou le zaïmph de Salammbô pour Carthage. Le gouvernement a déclaré à maintes reprises qu’il maintiendrait intégralement ces lois, et M. le ministre du commerce le répétait l’autre jour encore à Carcassonne avec l’énergie d’accent qui est particulière au Midi, ce qui a fait beaucoup de plaisir aux radicaux. Mais, tout en respectant les lois, on peut utilement modifier les mœurs politiques et administratives. Si M. Spuller veut ramener toutes les femmes à la république, il y a encore des progrès à faire dans cet esprit-là. Peut-être quelques conseils généraux en gémiront-ils. Une dizaine d’entre eux, pendant leur courte session de Pâques, ont manifesté de véritables alarmes sur les entraînemens auxquels le ministère paraissait obéir. Mais on ne peut pas contenter tout le monde, et ceux qui poursuivent ce but s’exposent à ne satisfaire personne. Le gouvernement ne doit songer qu’au pays.


La mort et les funérailles de Kossuth ont produit, dans toute la Hongrie, une impression profonde. Lorsque la nouvelle est arrivée à Buda-Pesth que le vieux tribun avait cessé de vivre, la ville a été troublée pendant quelques heures, et l’on s’est même demandé, un moment, si ces désordres ne prendraient pas des proportions plus grandes. Il n’en a rien été, heureusement. Kossuth appartient à une période de l’histoire de la Hongrie qui est désormais close. Il était devenu de son vivant un personnage historique, à moitié légendaire, qu’on n’avait pas vu depuis bien longtemps, que les générations nouvelles ne connaissaient