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le premier, plus long de tout un diamètre de l’orbite terrestre ; la nouvelle de l’éclipsé du satellite nous arrive plus tard lorsque la Terre est à l’apojove que lorsqu’elle était au périjove, et le retard subi nous apprend combien de temps il faut à la lumière pour parcourir le diamètre de l’orbite terrestre ; un quart d’heure lui suffit à franchir ces soixante-dix-sept millions de lieues ; elle marche à raison de soixante-dix mille lieues par seconde. Tel est le résultat obtenu par Römer.

D’autres méthodes sont venues, plus tard, confirmer la découverte de Römer.

Si la lumière ne se communique pas instantanément, avait dit Descartes, la position du Soleil dans le ciel doit nous paraître faussée ; l’erreur n’est pas manifeste pour le Soleil, car elle est toujours à peu près la même ; elle l’est pour les étoiles fixes ; ainsi s’explique, comme Bradley l’a montré en 1728, le phénomène de l’aberration des étoiles ; l’observation de ce phénomène fournit une nouvelle détermination de la vitesse de la lumière et cette détermination concorde avec celle de Römer.

Il n’y a pas jusqu’à la curieuse expérience proposée à Descartes par Fermat qui n’ait pu servir à déterminer la vitesse de la lumière ; de nos jours, M. Fizeau l’a rendue pratique ; il a pu déterminer le temps qu’un rayon de lumière, parti de Suresnes, mettait pour revenir à Suresnes, après avoir frappé un miroir à Montmartre.


II

La découverte de Römer contraignait de rejeter l’optique cartésienne ; en 1678, Huygens écrivait son Traité de la lumière et le présentait à l’Académie des sciences de Paris ; en 1690, il le publiait. « Il m’a semblé, écrivait-il, et à beaucoup d’autres avec moi, que mesme M. Descartes, qui a eu pour but de traitter intelligiblement de tous les sujets de physique, et qui assurément y a beaucoup mieux réussi que personne devant luy, n’a rien dit qui ne soit plein de difficultez, ou mesme inconcevable, en ce qui est de la lumière et de ses propriétez. »

En fait, Huygens garde presque tout du système cartésien ; comme Descartes, il ne suppose dans la nature que des corps qui soient faits d’une même matière, dans lesquels on ne considère aucune qualité, mais seulement des grandeurs, figures et mouvemens différens ; il ne rejette qu’un point, essentiel à la vérité : l’incompressibilité de la matière qui sert à transmettre la lumière et, par conséquent, l’instantanéité de cette transmission.