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V.

Le 8 juin de l’année dernière, M. Denormandie présentait son rapport au Sénat au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi voté par la Chambre sur la réforme des caisses d’épargne. Malheureusement la discussion du budget de 1894 ayant absorbé les dernières journées de la session, le projet de loi sur les caisses d’épargne, après une première délibération, resta en route avec tant d’autres.

Les élections générales eurent lieu, la nouvelle Chambre se réunit, renversa le ministère Dupuy, édifia le ministère Casimir-Perier. On dut s’occuper des bombes anarchistes, puis l’année 1893 se termina et deux mois de 1894 s’écoulèrent. Le travail de M. Denormandie restait sur le chantier, son auteur cherchant à le rajeunir de temps à autre ; de là un premier rapport supplémentaire le 16 février, un second le 27. Enfin le Sénat mettra sans doute dans le plus bref délai à son ordre du jour l’éternelle question des caisses d’épargne. Le moment est donc propice pour constater en quel état se présente aujourd’hui cette fameuse réforme dont l’opinion publique s’était si fort et si justement occupée l’année dernière.

Un fait capital résume les causes et les circonstances qui ont fait naître le besoin d’une réorganisation du système des caisses d’épargne. Pendant trois ou quatre années, grâce au taux d’intérêt avantageux que servaient ces établissemens à leurs déposans, les dépôts ont afflué aux caisses privées et à la caisse nationale en telle proportion que le total en atteignait, à la fin de 1892, l’effrayante somme de près de quatre milliards.

Somme effrayante, parce que le gouvernement a la responsabilité de ces dépôts, et parce que les fonds ainsi confiés à la Caisse des consignations et employés en rentes, sont remboursables à vue. La gravité extrême de ces deux points constitue tout l’intérêt du travail de réforme, par voie législative, du régime des caisses d’épargne, travail commencé en 1887 et qui n’est pas encore achevé aujourd’hui[1].

Ce qui fait la force actuelle de nos caisses d’épargne et l’indiscutable confiance dont elles jouissent dans le public, c’est que les classes populaires, qui constituent la grosse clientèle des guichets, sont intimement persuadées que porter leur argent à la caisse d’épargne c’est le prêter directement au Trésor, le débiteur

  1. Voyez Le projet de réforme des Caisses d’épargne dans la Revue du 15 juin 1892