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le plus solvable qui puisse exister. Il y aurait eu un péril extrême à modifier ce sentiment. Le crédit des caisses s’étant associé, par des transitions successives, au crédit même de l’Etat, il était trop tard pour épiloguer sur les faits, pour discuter les points de droit. Tout le monde croit que la caisse d’épargne, c’est l’État, et celui-ci a fait ce qu’il fallait pour encourager cette appréciation. Jusqu’en 1886 la Caisse des dépôts et consignations, à laquelle toutes les caisses d’épargne sont obligées de transmettre les fonds qu’on leur confie, pouvait, soit verser au Trésor en compte courant, soit employer en titres de l’État français, les fonds ainsi recueillis. Le montant des versemens en compte courant effectués par la caisse au Trésor n’était d’ailleurs pas limité. Un article inséré à la fin de 1886 dans la loi de finances pour 1887 décida que ce montant serait à l’avenir fixé à 100 millions au maximum et que le surplus serait employé à des achats de rentes. Depuis cette époque, ce que le public a su de plus intéressant sur la Caisse des dépôts et consignations est qu’elle représente le plus gros acheteur de rentes françaises qui existe et ait jamais existé.

La Caisse des dépôts et consignations, on ne saurait l’oublier, c’est l’État, se rendant acquéreur de titres d’une dette perpétuelle contractée sur lui-même, pour garantir une dette à vue qu’il lui plaît de contracter à l’égard des déposans des caisses d’épargne, et qui d’année en année devient plus lourde. De ses rentes sur l’État, le porteur n’attend absolument que l’intérêt promis ; on ne lui doit point le capital, on lui doit tant pour cent par an, payable par trimestre. Ses fonds à la caisse d’épargne au contraire, il faut qu’il les sente toujours, et en toute circonstance, à sa disposition : il faut qu’il soit assuré que, même en temps de crise, — et surtout en temps de crise, — il n’aura qu’à se présenter aux guichets de la caisse pour retirer son argent.

S’il n’en va pas ainsi, ne parlez plus de caisses d’épargne ; ces établissemens sont transformés en banques de dépôts; l’ancienne institution, populaire, protectrice et instigatrice de la petite épargne, n’existe plus.

Or les quatre milliards de dépôts sont-ils réellement remboursables à vue, aujourd’hui qu’ils sont placés en rentes françaises pour la plus forte partie de ce montant ? Poser la question c’est la résoudre. Entre le principe et le fait a existé dès lors une antinomie dont le péril n’était pas seulement théorique, mais pouvait subitement surgir dans le domaine de la réalité.

Comment endiguer cet afflux des dépôts, empêcher que la masse n’en dépasse les quatre milliards déjà atteints, et préparer les moyens de ramener peu à peu ce total à trois, puis à deux