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de l’Ibea. Les directeurs manifestèrent l’intention de se retirer de l’Ouganda. Telle fut l’émotion causée en Angleterre par cette nouvelle, qu’en peu de jours la Compagnie recueillit 40 000 livres sterling de dons volontaires. Mais après la dépense de ces subsides, l’évacuation définitive fut résolue et fixée au 31 décembre 1892. Pour éviter une solution trop brusque, le gouvernement anglais paya les frais d’occupation jusqu’au 31 mars 1893, puis il envoya un commissaire, sir Gerald Portal, s’enquérir de la situation.

Le rapport de feu sir G. Portal depuis longtemps attendu a été publié le 12 avril 1894. On connaît maintenant le résultat de sa mission : l’annexion de l’Ouganda à l’Empire britannique est un fait accompli. Désormais les Anglais peuvent revenir à leurs projets d’expansion vers la province équatoriale, chercher à s’établir sur le cours supérieur du Nil, dont ils tiennent déjà le delta, et commencer la formation de ce Soudan britannique, qui est un des rêves les plus chers des « coloniaux » d’outre-Manche.


IV. — CONCLUSION.

Certains publicistes anglais, dans le dessein de hâter l’occupation de la province équatoriale par la Grande-Bretagne, se plaisent à représenter les Français comme prêts à s’en emparer. Mieux que personne, ils savent le peu de fondement de leur argumentation. S’il existe, en effet, une question à laquelle l’opinion publique française soit indifférente, c’est bien assurément celle de la succession de l’Egypte dans la province équatoriale[1]. La géographie coloniale est sujette, comme le reste, au caprice de la mode. Le lac Tchad est à l’heure présente l’objet de l’engouement général. Les explorateurs convergent vers ce point attractif. Les personnes, qui ont coutume d’assister aux séances des sociétés de géographie, ont certainement remarqué l’étrange propriété dont jouit cette expression magique : « Lac Tchad. » Dès qu’un orateur la prononce, l’auditoire le plus assoupi se réveille en sursaut. Ce talisman assure au moins une salve d’applaudissemens au conférencier le plus monotone.

Ce n’est pas le lieu de discuter si, en s’engageant sur cette route du Tchad, on ne fait pas fausse route. Constatons seulement la faveur dont ce grand marécage est l’objet, et tirons-en les conséquences.

  1. Cette remarque ne s’applique naturellement pas aux personnes d’une compétence particulière, à M. Edouard Marbeau et à M. Harry Alis par exemple, qui, le premier dans la Revue française de l’étranger et des colonies, et le second, dans la Politique coloniale, ont insisté sur l’importance de cette question.