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passera donc en des mains étrangères. Du Congo français, il sera impossible d’atteindre le Nil. On a tant chanté les louanges du grand fleuve africain, qu’on éprouve quelque scrupule à le vanter de nouveau. Mais des délicatesses d’écrivains seraient ici déplacées. Il faut répéter, sans lassitude, combien il serait déplorable d’être privé de tout point d’accès à cette voie naturelle hors de pair en Afrique, qui conduit du centre du continent aux portes de la Méditerranée, et sur laquelle vapeurs et voiliers naviguent librement.

Cependant la gravité (de cette situation politique n’a pas échappé au gouvernement français ; il a nommé il y a quelques mois le commandant Monteil à la direction des postes du Haut-Oubangui. Déjà, une partie de la mission sous les ordres du capitaine Decazes a quitté Brazzaville. On ne sait pas de quelles instructions est pourvu le commandant Monteil, et il est naturel qu’on ne le sache pas. Mais le passé africain de cet officier supérieur est un gage de succès.

Laissons de côté ces rivalités : quels qu’ils soient, les Européens qui occuperont la province équatoriale y rapporteront la civilisation. L’œuvre de Baker, de Gordon et d’Emin n’aura été qu’interrompue. Ils n’auront pas peiné en vain; leurs efforts pour abolir la traite des esclaves n’auront pas été stériles. Quel que soit le drapeau qui flotte sur Ouadelaï, la longue caravane de misérables s’a cheminant lentement vers la côte, en jalonnant la route de cadavres, ne sera plus qu’un souvenir.


HENRI DEHERAIN.