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La moitié de l’armée ennemie, Espagnols et Hollandais, s’établit sur la rive gauche ; les Impériaux tenaient la rive droite. Un grand convoi d’artillerie, vivres et munitions, formé à Gand, entra dans les lignes. Le 18, les alliés ouvrirent le feu; pendant deux jours, Audenarde fut battu par cinquante pièces qui tiraient encore le 20, lorsque l’approche de l’armée de secours fut signalée.

Incertain sur l’objet immédiat que poursuivait l’ennemi, mais pénétrant l’ensemble de son dessein, M. le Prince avait réglé sa marche de façon à couvrir ses communications et à s’ouvrir toutes les directions. Il laisse Mons à sa droite, et en cinq jours, par Feignies, Bavay, Quiévrain, Perwels, il gagne Tournay (18 septembre). Là, il trouve le maréchal d’Humières, qui lui donne les nouvelles et lui amène huit mille hommes empruntés aux garnisons des places non menacées. Sans s’arrêter, il franchit l’Escaut, et, suivant la rive gauche par Espierres, il arrive dans la journée du 20 en vue d’Audenarde. Aux approches de la place assiégée, il marche sur trois colonnes ; chaque colonne est précédée d’une forte avant-garde complètement pourvue et composée des diverses armes selon des principes tout modernes[1]; les haltes et les distances sont réglées de telle sorte que les trois colonnes présentent leur tête toujours à hauteur, prêtes à se déployer simultanément ; car M. le Prince s’attendait à rencontrer l’ennemi marchant au-devant de lui ou en position. Mais les alliés restent dans leurs lignes et ne paraissent pas songer à défendre les hauteurs qui s’élèvent à l’ouest (rive gauche) et à quelque distance de la place.

M. le Prince punira l’ennemi de cette négligence et de cette inaction. Tandis que les troupes du centre et de la gauche, continuant leur marche, gravissent lentement les hauteurs, il rapproche sa droite de l’Escaut, fait canonner et enlever l’abbaye de Peteghem, où l’ennemi avait son avancée à la queue de l’inondation. Le soir, l’armée, ayant fait sur la droite en bataille, se trouve établie à l’ouest d’Audenarde, en face des lignes ennemies qu’elle domine. La droite est à Peteghem, la gauche se prolonge vers Oycke. Quelques officiers et un détachement se jetèrent

  1. Après les dragons, qui ouvrent la marche, prêts à combattre à pied ou à cheval, destinés à éclairer le terrain, à reconnaître l’ennemi, engager l’escarmouche, l’artillerie légère prend place avec ses canons de quatre, gardés et servis par les Fusiliers du Roi. Derrière suivent : 200 mousquetaires commandés dans l’infanterie, — des voitures de munitions, — des voitures d’outils, — les pionniers encadrés et organisés. (Ordre de marche du 20 septembre 1674. A. C.)
    Nous ne trouvons pas trace ailleurs, à cette époque, de têtes de colonnes ainsi constituées. Il semble que Condé a devancé les temps.