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n’en allumeraient, si elles avaient le pouvoir de le faire. — Les chroniqueurs arabes rapportent que Seïf Eddaulèh, le grand émir d’Alep, fut couché dans son tombeau la tête sur une brique. Cette brique était faite de la poussière et de la sueur que le strigile du masseur avait ramassées sur la peau de Seïf, après chaque combat contre les chrétiens, avant le bain du soir. L’émir avait soigneusement veillé à ce que l’on recueillît avec exactitude, sa vie durant, cet étrange résidu de ses batailles. Il voulut s’endormir sur ce glorieux oreiller, témoin de sa bravoure et de sa haine. — Tel de nos vaillans politiques, non moins animé que Seïf Eddaulèh contre les chrétiens, n’aurait qu’à imiter la coutume de l’émir d’Alep chaque fois qu’il transpire à la tribune contre le cléricalisme ; il serait assuré de s’endormir un jour sur une brique d’un volume respectable. Je doute qu’il y ait chance de fonder sur des briques de cette fabrication la grandeur, la force et la fortune de la France.


EUGENE-MELCHIOR DE VOGUE.