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Catherine, sainte Elisabeth, Luther, Giordano Bruno, Shakespeare, etc. Et qu’il s’agisse des époques les plus éloignées l’une de l’autre, et les plus dissemblables en apparence, il ne vise avant tout qu’à mettre à nu cet élément « purement humain, » dont la recherche constitue la base de la doctrine et de l’art wagnériens. Il veut nous faire saisir tout ce qu’il y a d’accidentel et de contingent, de transitoire et d’éphémère dans ces conditions extérieures qui semblent déterminer une civilisation, une race, ou un âge de l’humanité. Et il aboutit ainsi à faire ressortir d’autant plus à nos yeux l’identité constante de ce fond « purement humain » qui joint l’homme à l’homme à travers les siècles. Il n’a pas d’ailleurs pour but, en procédant ainsi, de constater un fait purement scientifique, mais bien plutôt, en nous présentant sous ce jour toute l’histoire de l’humanité, de nous donner le moyen de nous mieux connaître nous-mêmes, et notre temps avec nous, et de nous mettre ainsi mieux en état de bien agir. Cette leçon d’histoire se trouve donc être avant tout une leçon d’ « action » ; et c’est par là que ces livres de Stein se trouvent être de ceux où les Bayreuthiens estiment que le wagnérisme a atteint son expression la plus intense, car on sait que tous les écrits de Wagner ont eu aussi pour objectif ce qu’il a lui-même appelé « l’élément purement humain » (das Rein-menschliche), et que tous ses drames ne visent à rien autre chose qu’à en être la représentation.

S’il m’avait fallu parler d’abord de l’écrivain wagnérien aujourd’hui le plus connu, ce n’est pas par Henri de Stein — dont le nom grandit tous les jours, mais dont la renommée n’a pas encore dépassé un cercle un peu restreint d’admirateurs — que j’aurais dû commencer ; et c’est le baron Hans de Wolzogen que j’aurais dû alors évidemment citer en première ligne. Après avoir fait de fortes études de philologie allemande, M. de Wolzogen publia une traduction de l’Edda, qui est peut-être aujourd’hui en Allemagne la traduction la plus répandue de ce poème. La connaissance intime qu’il avait ainsi acquise de la poésie des anciens peuples germaniques attira son attention sur le poète-musicien qui voulait faire revivre pour son peuple ce trésor si longtemps ignoré. En 1876, sans connaître encore particulièrement Wagner, il examinait successivement, dans un savant petit ouvrage intitulé le Mythe des Niebelungs dans la légende et la littérature, tous les essais modernes, épopées, drames, opéras, qui ont été tentés pour faire revivre le poème de l’Edda ; et il s’arrêtait enfin à celui de Wagner comme étant le seul qui recrée réellement l’antique poésie et lui infuse une vie nouvelle. Les preuves que M. de Wolzogen avait déjà données de sa compétence toute particulière