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en présence des Anglais et des Belges, qui entendent réclamer leur grosse part. Néanmoins un grand pas a été fait dans la voie du partage politique définitif de l’Afrique, par l’arrangement franco-allemand, et le temps n’est certainement pas éloigné où l’on verra les nations européennes dépenser leur activité dans le champ qu’elles se seront d’un commun accord assigné, sans pour cela être les unes pour les autres une source de difficultés et de gêne. L’enchevêtrement de causes et de circonstances qui auront amené l’Europe à se partager le Centre africain sera alors une histoire intéressante à connaître, et la formation territoriale du Cameroun, qui peut dès maintenant être racontée, sera un des chapitres les plus importans de ce récit. On y admirera la clairvoyance avec laquelle a été choisi sur le littoral l’emplacement de la future colonie du Cameroun, la décision et l’énergie qui ont présidé à sa fondation, l’esprit de suite et de méthode qui ont contribué à son accroissement. L’histoire du Congo français, intimement liée à celle du Cameroun, fera ressortir de son côté la grandeur et la ténacité des efforts que nous avons déployés pour contrecarrer les entreprises tentées d’autre part. Dans la lutte de vitesse au cœur du continent africain qui eut lieu entre les explorateurs allemands et les explorateurs français, ceux-ci l’ont emporté, et leur victoire, qui est aussi celle de tous ceux qui ont organisé et soutenu leurs missions, a eu comme conséquence l’abandon par l’Allemagne à la France du Soudan oriental et la possibilité pour cette dernière de constituer des rives du Congo au bord de la Méditerranée un immense empire africain.


I

L’établissement des Allemands au Cameroun est de date récente. A la fin de 1883, la prospérité croissante de l’Allemagne, le développement du commerce et de l’industrie, l’augmentation rapide de la population, l’émigration d’une partie des habitans et des capitaux à l’étranger, les exigences de la marine militaire et marchande, peut-être aussi le secret désir de fortifier l’unité de l’empire en donnant à la réunion d’Etats qui le formaient des colonies impériales, tous ces motifs décidèrent le gouvernement allemand à rechercher dans les diverses parties du globe les points où il pourrait hisser son pavillon et créer des établissemens coloniaux. La côte du Cameroun dans la baie de Biafra attira particulièrement son attention. Le pays n’avait pas encore été occupé, du moins officiellement, par une puissance européenne ; il était sain, il paraissait appelé à un grand avenir. Sous cette zone torride, le