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massif montagneux du Cameroun, s’élevant du bord même de l’Océan à 4500 mètres de haut, offrait des conditions de température et de climat telles qu’il était signalé depuis longtemps par les voyageurs comme devant servir aux Européens de colonie de peuplement et même de station de convalescens. Au pied de la Montagne du Ciel (ainsi l’appelaient les indigènes), l’embouchure du fleuve Cameroun offrait un mouillage beaucoup plus favorable que la plupart des embouchures des rivières qui se jettent dans le golfe de Guinée ; ce fleuve était large et navigable sur une assez grande étendue. Les habitans de la côte étaient depuis longtemps habitués au contact des Européens ; ils faisaient avec eux un commerce des plus actifs. L’Allemagne pouvait d’ailleurs se croire quelques droits à la possession de cette région. Dès 1870, Henri Barth avait parcouru l’intérieur du pays et atteint le premier les rives de la haute Bénoué. Quelques années plus tard, Rohlfs avait descendu cette rivière, Flegel l’avait remontée. A la suite des indications fournies par ce dernier, des maisons allemandes avaient établi des factoreries à proximité du fleuve Cameroun et y avaient acquis une situation commerciale prépondérante.

Chaque année cette prépondérance s’accentuait. De 1861 à 1883, l’exportation par navires de Hambourg au Cameroun s’était élevée de 3 300 tonnes à 47 000 tonnes ; l’importation avait augmenté dans de semblables proportions. Les relations des indigènes avec les commerçans européens étaient empreintes d’une cordialité telle que plusieurs chefs du pays avaient signé avec les représentans de Hambourg et de Brème des traités qui constituaient de véritables donations de territoires en faveur de ces derniers. Aussi quand, en 1883, le prince de Bismarck demanda aux Chambres de commerce de Hambourg, de Lubeck et de Brême quelles seraient les mesures les plus propres à développer et à protéger le commerce allemand sur la côte occidentale d’Afrique, ces dernières conclurent-elles à la prise de possession du littoral du Cameroun par l’Allemagne. La chambre de commerce de Hambourg fut particulièrement nette à cet égard. Après avoir passé en revue la situation politique et commerciale de cette portion de la côte occidentale d’Afrique, elle demanda formellement l’occupation immédiate de la baie de Biafra et la création d’une station navale dans ces parages.

C’était aller au-devant des désirs du prince de Bismarck. Se trouvant appuyé, ce dernier entra résolument dans la voie que lui indiquait le commerce hanséatique. Des instructions détaillées furent données à l’illustre explorateur Nachtigal, qui fut, pour la circonstance, nommé avec pleins pouvoirs commissaire impérial