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y avait là pour elle un territoire suffisant pour assurer à l’activité de ses nationaux pendant de longues années le plus magnifique champ d’action, d’autant plus qu’en dehors de la zone côtière tout l’intérieur du pays était inexploré ; mais l’ambition des nouveaux maîtres du Cameroun ne put se borner à cet horizon, si vaste fût-il, et, au lendemain même de la signature de la convention franco-allemande, ils ne voulurent voir dans la nouvelle colonie qu’une amorce, qu’un embryon d’une colonie plus vaste encore. Sans doute, il ne fallait pas songer à étendre leurs possessions vers le nord et vers le sud : de ces côtés, les conventions conclues avec l’Angleterre et la France leur avaient imposé des limites inflexibles. Mais du côté de l’est, vers l’intérieur du continent africain, la frontière restait ouverte. Le méridien 12° 40’ n’avait été indiqué que comme une ligne provisoire. Au-delà, le pays était au premier occupant. Tout le centre de l’Afrique se trouvait là, attendant un maître européen : l’Adamaoua, le Baghirmi, le Wadaï, le Kanem, jusqu’aux rives lointaines du Nil, quel empire colonial acquis à l’Allemagne ! Ce rêve, tout bon « colonial » allemand l’eut sous les yeux, et à sa réalisation travaillèrent les gouverneurs du Cameroun et les explorateurs.

Il faut avouer que les uns et les autres firent preuve dans leurs entreprises de beaucoup de ténacité, d’esprit de suite et de méthode. Le littoral fut choisi comme base d’opérations, et l’intérieur du pays attaqué par plusieurs points que l’on jugea les plus vulnérables.

Trois fleuves descendaient des chaînes côtières vers le golfe de Biafra : le Vieux-Calabar au nord, la Sannaga au centre, le Njong au midi ; ils furent utilisés tous trois comme autant de voies de pénétration vers l’intérieur. La région nord fut explorée par le docteur Zintgraff. Ayant quitté Barombi en décembre 1888, Zintgraff visita le pays de Bali, arriva à Ibi sur la Bénoué et gagna Yola, capitale de l’Adamaoua, en passant par Gatschka, puis revint à la côte. Un an plus tard, le capitaine Kund et le lieutenant Tappenbeck avaient reconnu le cours de la Sannaga, fondé la station de Jaunde. Kund, malade, rentrait à la côte, mais Tappenbeck poussait jusqu’à Nghila, où la mort venait le surprendre. Succédant à Tappenbeck, Morgen reprit l’exploration au point où elle avait été laissée, et arriva à Nghila en octobre 1890, puis de là se dirigea sur Ngaoundéré et la haute Bénoué. Il put visiter l’Adamaoua méridional et passer du bassin de la Sannaga dans celui du Niger (janvier 1891), mais ne put atteindre aux sources de la Bénoué, et le capitaine de Gravenreuth, chargé de continuer son œuvre, se faisait tuer dans un combat livré aux