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Dispositions d’un ex-Souverain, maladroite et niaise amplification du célèbre Testament de Napoléon qui circulait à Paris :


Je lègue aux Enfers mon génie,
Mes exploits aux aventuriers,
La Grand-Livre à mes créanciers,
Aux Français l’horreur de mes crimes,
Mon exemple à tous les tyrans,
La France à ses Rois légitimes,
Et l’hôpital à mes parens.


Un autre poète italien promet à Napoléon les plus épouvantables supplices ; « mais, dit-il en terminant, toutes ces tortures ne sont rien pour châtier un homme aussi criminel. » La satire prend toutes les formes, depuis le calembour jusqu’à la parodie de psaumes et de chants d’église. En mai 1814, les agens de police trouvent affichée sur les murs de Florence une gravure coloriée où Napoléon est représenté vêtu de sa fameuse redingote, mais la tête nue ; il tient à la main le globe terrestre et le regarde, la bouche grande ouverte, comme s’il s’apprêtait à l’avaler ; et, au-dessous ce distique :

« Tes forces, usurpateur, redoublent ; — mais songe que celui qui mange trop finit par éclater. »

L’opérette même s’en mêle. En 1814 est imprimé à Cagliari un « drame à mettre en musique », la Napoléonisation, dont les personnages principaux sont Napoléon, sa mère, ses frères Joseph, Louis et Jérôme, sa sœur Élisa, un maréchal de camp et des généraux, sans compter le chœur.

Mais bientôt les sarcasmes et les épigrammes font place aux élégies. Les Italiens s’aperçoivent que la chute de Napoléon, loin de leur avoir rendu la liberté, a simplement consolidé et aggravé leur asservissement. Le poète Nicolini, dans une belle épître, définit ainsi la paix enfin rétablie en Europe : « Honte et chaînes, voilà ce qu’est la paix des rois ! » Un poète anonyme énumère dans un sonnet toutes les tyrannies qui ont succédé à la prétendue tyrannie de Napoléon : « Les Russes occupent la Pologne, la Prusse s’apprête à conquérir les régions de l’Elbe, l’Angleterre a réduit en servitude toutes les mers, les Autrichiens retiennent l’Italie sous leur joug barbare. » On adresse au prisonnier de l’île d’Elbe d’interminables odes ; on le supplie de revenir en France pour chasser les tyrans.

Mais à peine est-il revenu, que de nouveau on l’accable d’injures, de sarcasmes et de malédictions. Les odes qu’on lui adressait naguère, on les adresse maintenant à Wellington ; on compare Napoléon à Nabuchodonosor ; on lui prédit qu’il sera bientôt réduit, comme le roi assyrien, à manger de l’herbe et à se rouler dans la boue. Cette comparaison de Napoléon avec Nabuchodonosor parait avoir très