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En appelant l’attention, comme nous venons de le faire, sur les destinées de notre race, ce ne sont pas des idées de découragement que nous avons voulu répandre ; tout au contraire, nous avons voulu faire comprendre que de notre effort même et de notre courage dépend l’avenir. Pendant la première moitié de ce siècle, on s’est bercé d’une sorte de fatalisme optimiste, sous le nom de progrès. Il semblait qu’il n’y avait rien à faire, qu’à espérer et attendre. L’âge d’or était devant nous, l’humanité y arriverait par la « force des choses », comme l’astre que son mouvement oblige d’atteindre le parhélie. La liberté produirait l’égalité, l’égalité produirait la fraternité : ce serait un embrassement universel. Dans la dernière moitié de ce siècle, il a fallu renoncer à cet optimisme béat, à cette sorte de quiétisme humanitaire. Rien ne se fera sans nous ; et le progrès général n’aura lieu que si nous l’assurons par notre progrès personnel. La liberté, à elle seule, n’engendre nullement l’égalité ; l’égalité des droits civils et politiques, à elle seule, n’engendre nullement la fraternité. Nous voyons s’exalter sous nos yeux les luttes des classes, les luttes des peuples, les luttes des races. L’instruction même, qui devait être le remède à tous les maux, n’empêche pas la criminalité d’aller croissant, ainsi que les suicides et la folie ; elle change la forme des vices, elle ne les supprime pas, lorsqu’elle n’est point en même temps une véritable éducation. La science, qu’on avait presque divinisée, ne se montre, séparée de la morale, que trop humaine, — quand elle n’est pas inhumaine. Ce n’est donc point seulement de notre intelligence et de notre science, c’est encore et surtout de notre volonté et de notre moralité que dépend notre sort futur. La volonté est l’élément essentiel du caractère, chez les races comme chez les individus ; sans elle, l’intelligence même aurait bientôt arrêté son essor. L’empire est donc à la race qui aura eu, avec l’intelligence la plus haute, la volonté la plus énergique et la mieux réglée. Si le mouvement de démoralisation ne s’arrête pas en France, en Angleterre, en Allemagne, nous passerons à un rang inférieur. Si nous savons nous relever et nous unir, si l’Amérique, de son côté, comprend sa mission véritable, la race blanche conservera l’hégémonie. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas se flatter d’atteindre un millénium en laissant couler le temps, ni sous l’impulsion de quelque force aveugle, fût-elle personnifiée sous le nom de Progrès. À nous de prévoir et de préparer l’avenir : il sera ce que nous l’aurons fait nous-mêmes.


ALFRED FOUILLEE.