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à Loudun, à quelques lieues de Richelieu et de Coussay.

L’évêque est évidemment très agité. Les grands intérêts de l’État se débattent autour de lui, si près ! et pourtant il n’y est pas mêlé directement. Il cherche une entrée, une voie d’accès près de ces chambres secrètes où vont se partager l’argent, les situations, l’influence ; il ne la trouve pas. Ce sont toujours les vieux ministres qui tiennent la place et qui barrent la route. Villeroy, Pontchartrain, de Vic, de Thou, ont la charge des négociations, et ils s’occupent bien des ambitions inquiètes de l’évêque, dont la récente nomination d’aumônier n’a encore fait un personnage qu’à ses propres yeux !

Avant d’entrer dans le fond du débat, on avait eu beaucoup de peine à régler les conditions de la trêve. Les troupes de Condé arrivaient sur le pays et se livraient à tous les excès. La mère de Richelieu, restée dans son château, n’était pas épargnée : « Il y a quarante ans que je suis dans cette maison, écrit-elle à sa belle-fille, et j’y ai vu passer toutes les armées ; mais je n’ai jamais ouï parler de telles gens ni de telles mines qu’ils font. À la vérité, j’ai trouvé cela fort rude, car ils n’en avaient jamais logé en ce qui m’appartenait. Encore, quand ils n’eussent fait que vivre honnêtement, l’on ne se fût presque pas plaint ; mais ils rançonnent chacun son hôte et veulent prendre les femmes par force. Je crois bien que la plupart de cette armée-là pensent qu’il est un Dieu, comme font les diables. « Les biens personnels de Richelieu sont également mis au pillage. Il saisit cette occasion, et il écrit aussitôt à Louis Potier de Sceaux, secrétaire d’État, pour se plaindre, pour demander qu’on l’autorise à venir lui-même défendre ses intérêts à Loudun : « Je vous supplie très humblement m’obliger tant que de savoir de Leurs Majestés s’ils ne trouveront point mauvais que j’aille trouver, à Loudun, MM. de Brissac et de Villeroy, pour leur représenter toutes les contraventions aux articles de la trêve et faire en sorte que, par leur entremise, je puisse être rétabli en mon bien. »

C’était se glisser par une porte bien étroite : on ne la laissa même pas s’ouvrir devant lui. Il y avait à la cour tout un parti qui commençait à se méfier de lui et qui faisait surveiller ses démarches. Aussi en fut-il réduit à envoyer à Tours, où le roi et la reine se trouvaient maintenant. Charpentier, son secrétaire, qui, sous le prétexte de s’occuper des mesures de protection réclamées par l’évêque pour ses terres et pour celles de Mme de Richelieu, devait se mêler aux intrigues et le renseigner, jour par jour, sur les chances d’arriver aux affaires. « Vous qui êtes sur les lieux, lui écrit Luçon en langage convenu, souvenez-vous que, avant de partir, il faut faire le plus d’efforts que vous pourrez… Je sais que