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de la partie purement littéraire, critique et variétés. On voit que les femmes sont partout en évidence à Chicago. Aucun nom peut-être ne fut répété aussi souvent que celui de Mrs Potter Palmer, parmi les noms des organisateurs de la World’s fair, et c’est une jeune fille, un poète charmant, à figure de muse, miss Harriet Monroe, qui a été chargée d’écrire l’ode colombienne récitée, pour le quatre centième anniversaire de la découverte de l’Amérique, le 21 octobre 1892, durant les fêtes d’inauguration du palais des arts libéraux. Certains passages, mis en musique, furent rendus par un chœur de cinq mille voix avec accompagnement d’un immense orchestre et des musiques militaires.

Miss Monroe, qui appartient à une famille d’artistes et de lettrés, est l’auteur d’une tragédie en vers et de petits poèmes qu’on ne saurait en rien comparer aux plantes sauvages de l’Ouest. Les amateurs de ce genre de produits doivent les demander au jardin d’ailleurs très mélangé d’Eugène Field, l’écrivain local par excellence. Je l’ai dit, Chicago réunit tous les contrastes, mais rien n’est plus inattendu que le règne des femmes dans ce grand centre d’une virilité si âpre, dans ce foyer du trafic et de l’industrie, où tout semble rude au premier aspect, le climat, l’atmosphère ambiante, tant morale que physique. Nulle part il ne m’a paru aussi fortement accentué, quoique du Nord au Sud, et de l’Est à l’Ouest, on n’entende, somme toute, qu’une paraphrase du mot de Stuart Mill, éloquemment commenté par Mrs Maud Howe Elliott, à l’occasion de la foire universelle : « L’heure de la femme a sonné. » Elle sonne en effet aux États-Unis, avec le consentement chevaleresque des hommes.


TH. BENTZON.