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ROME ET LA RENAISSANCE

DANS
LA CAMERA DELLA SEGNATURA[1]


I

Trois heures sonnaient à l’horloge du Vatican : les visiteurs attardés de la Pinacothèque, des Loges et des Stances traversaient en toute hâte la Camera della segnatura pour regagner la Galleria Pia et y reprendre leurs cannes et leurs parapluies. Je vis d’abord passer une bande joyeuse de Français ayant le mot pour rire, même au sortir de la Sixtine ; ils furent suivis d’une escouade de jeunes misses, visiblement contentes d’avoir « fait » leur Raphaël ; à la fin débouchait une caravane de yankees, complètement ahuris par les explications qu’avaient déversées sur leurs têtes les guides assermentés de la compagnie Cook and son. Je jetai un dernier regard sur la Dispute du Saint-Sacrement et j’allais rejoindre l’exode général, lorsqu’un obligeant E come sta ? sta bene ? vint m’arrêter sur place.

Mon interlocuteur était un prélat à la démarche un peu fatiguée et traînante, au visage de hibou, mais aux yeux vifs et perçans. J’avais fait sa connaissance tout récemment à un dîner chez Mme de F… où je me trouvais placé à ses côtés. Il ne fit alors que m’interroger sur l’Autriche et la Triplice, et je le pris pour un diplomate de la curie romaine ; notre gracieuse hôtesse m’a depuis détrompé : il était du chapitre de Saint-Pierre et occupait

  1. Voyez la Revue des 1er février, 1er mars et 1er avril 1893.