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LE PASSAGE DU NIEMEN

I.
L’IRRUPTION[1]


I

Le 10 mai 1812, le Moniteur publiait la note suivante, sous la date de la veille : « L’empereur est parti aujourd’hui pour aller faire l’inspection de la Grande Armée, réunie sur la Vistule. Sa Majesté l’Impératrice accompagnera Sa Majesté jusqu’à Dresde, où elle espère jouir du bonheur de voir son auguste famille. Elle sera de retour au plus tard en juillet. » Napoléon partait officiellement pour Dresde, pour Varsovie, et subrepticement pour Moscou. Sous couleur de faire un voyage de convenance et d’apparat, doublé d’une inspection militaire, il allait prendre le commandement de l’immense armée qu’il avait formée dans le Nord avec une agglomération d’armées et qui n’attendait que son signal pour entrer en Russie. Faite avec vingt peuples, composée de Français, d’Allemands, d’Italiens, de Suisses, de Polonais, d’Illyriens, d’Espagnols et de Portugais, cette armée était superbe et pleine d’entrain : ceux mêmes de nos alliés que Napoléon avait

  1. Les élémens de ce récit ont été puisés dans nos archives diplomatiques et militaires, ainsi que dans l’innombrable quantité de Mémoires laissés par les contemporains. Parmi ces témoignages de première main, plusieurs sont inédits. En particulier, une précieuse obligeance nous a permis de consulter les Mémoires de l’un des personnages qui figuraient au premier rang dans l’état-major de Napoléon et approchaient constamment de sa personne. Citons aussi, entre autres documens manuscrits dont nous nous sommes servi, les Souvenirs d’un officier de l’artillerie à cheval, par le futur général Lyautey.