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PAYSAGES DES TROPIQUES

LE LAC DE TUXPANGO


I

Il a de mignonnes dimensions, ce lac dont les géographes les plus instruits ne connaissent ni la latitude, ni la longitude, ni le nom, et ne les connaîtront guère avant un siècle. Il est situé sur la limite des plaines de la Terre chaude, sur les premières assises de la grande Cordillère du Mexique, là où commence la terre tempérée. Long de trois kilomètres, large de deux, il baigne, du côté du nord, le pied d’une montagne qui le défend contre l’âpreté des brises pluviales, et ne le laisse caresser que par les brises venant de la mer, brises imprégnées d’une saine et fortifiante odeur saline.

Il est encadré, le petit lac de Tuxpango, — je l’ai ainsi baptisé en souvenir du dernier rancho où j’ai été hébergé, — de palmiers nains alternant avec des buissons de sensitive, en arrière desquels se dressent de grands arbres d’essences variées. Jusque vers deux heures de l’après-midi, son eau calme, lisse, vermeille, étincelante, est de l’or en fusion que l’on ne peut regarder sans être ébloui, aveuglé. Aussitôt que le soleil dépasse le zénith et descend vers l’océan Pacifique, elle prend, cette eau limpide, l’aspect d’un bloc d’azur. Elle reflète alors tout ce qui l’entoure : plantes, arbres, buissons ; plus tous les êtres ailés : rapaces, passereaux, palmipèdes et échassiers qui planent, passent, se croisent ou tournoient au-dessus d’elle, dans un perpétuel va-et-vient.

Au centre à peu près de ce lac minuscule, se montre une large tache d’un vert d’émeraude, formée par un îlot aux bords escarpés, tapissés d’orchidées à tiges étranges, aux feuilles fantastiques, aux corolles de formes et de couleurs paradoxales, véritables fleurs