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on grelottait l’hiver, l’été on était brûlé du soleil ; et ces souffrances, dures à tout le monde, paraissaient intolérables à des vieillards, à des femmes, à des enfans, à des gens accoutumés à l’aisance des villes, et qui n’avaient pas connu la misère. Mais ils étaient soutenus par la foi, heureux de souffrir pour la vérité. Et quand quelque lettre de l’évêque pénétrait jusqu’à eux, toutes les souffrances étaient oubliées : « Les condamnés vous bénissent, lui disaient-ils, d’avoir relevé leur courage. Leurs membres ne sentent plus les atteintes des coups de fouet ; il leur semble que leurs pieds ne sont plus liés : c’est la lumière qui luit dans les ténèbres de leur prison. Ces horribles montagnes deviennent des plaines riantes, et l’odeur affreuse des lampes dans les sombres galeries se change en parfums des fleurs. » Les mines de Sigus, au centre de la Numidie, d’où les martyrs adressaient à saint Cyprien ces belles paroles, n’ont pas été retrouvées, mais on connaît et l’on exploite les carrières de Simittu (Chemtou) qui fournissaient le fameux marbre de Numidie. La vogue de ce marbre était grande dans l’empire. Hadrien en avait orné sa villa de Tibur ; Constantin en tira quelques-unes des colonnes qui soutenaient les voûtes de Sainte-Sophie. Il est resté à Chemtou quelques blocs qui ont été extraits de la carrière il y a plus de quinze siècles, et qui, on ne sait pourquoi, n’avaient pas été employés ; ils portent, avec un numéro d’ordre, la mention de l’endroit où on les avait pris. Nous voyons qu’il existait à Simitu un certain nombre de chantiers : le « Chantier royal », qui remontait peut-être à l’époque des rois numides, le « Chantier neuf », celui « du Génie de la montagne ». C’est à l’époque des Antonins que le travail paraît avoir été le plus actif ; il le fut assez pour amener la création d’une ville dont les débris indiquent l’importance.

Des possessions si étendues, si nombreuses, de nature si différente, exigeaient toute une armée de fonctionnaires, les uns disséminés un peu partout, les autres réunis soit au chef-lieu des divers districts (tractus), soit dans la capitale même de la province. Les plus importans d’entre eux nous sont connus, mais nous risquions d’ignorer toujours les plus humbles, lorsqu’un hasard heureux en a tiré quelques-uns de l’oubli. Le Père Delattre, en fouillant le sol auprès de la Malga, découvrit deux cimetières où reposaient des esclaves et des affranchis attachés à l’administration des domaines impériaux. Leur tombe est très simple et répond à leur humble fortune ; elle se compose d’ordinaire d’un cippe en maçonnerie dans l’intérieur duquel sont noyées deux ou trois urnes de formes très diverses : ce qu’elles ont de particulier, c’est qu’elles sont surmontées d’un tuyau en brique qui débouche soit au sommet, soit sur les côtés du cippe. Par ce tuyau on introduisait