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flexible, elle est mobile ; baignée à chaque instant par de nouvelles couches d’air, elle les dépouille de leur acide carbonique. Quand les radiations solaires, la lumière, frappent les feuilles ainsi chargées d’acide carbonique dissous, elles y déterminent la décomposition de cet acide carbonique et sa transformation en matière organique combustible. C’est dans les derniers élémens des feuilles, dans les cellules où le microscope permet de distinguer les grains de la matière verte qui donne aux végétaux leur couleur, que se produit le phénomène grandiose qui assure la perpétuité de la vie animale à la surface de la terre.

L’animal est un appareil à combustion, qui ne produit chaleur et travail qu’à la condition de consommer, de brûler de la matière organique ; il en forme de l’acide carbonique et de l’eau qu’il élimine par ses organes respiratoires : la plante au contraire est un appareil de réduction qui s’empare de cet acide carbonique, de cette eau, pour élaborer la matière combustible en rejetant l’oxygène.

La matière ainsi formée dans la feuille, résidu de la décomposition de l’acide carbonique hydraté, subit une série de métamorphoses pendant lesquelles elle se complique, et finit par apparaître sous forme de sucres, de gommes, d’amidon, de celluloses. Quelques-unes de ces transformations ont été réalisées dans le laboratoire par les seules forces chimiques, et nous pouvons suivre, étapes par étapes, les synthèses successives qui amènent à l’état de sucre l’aldéhyde méthylique que laisse dans la feuille la décomposition de l’acide carbonique hydraté ; nous pouvons même constater sur la feuille elle-même que ces métamorphoses produites à l’origine par l’intervention des radiations solaires conduisent à la production d’un corps encore plus complexe que le sucre : l’amidon.

L’expérience est facile à reproduire : de bon matin on choisit sur une plante, sur une aristoloche par exemple, une feuille qui n’a pas reçu encore les rayons solaires, mais qui est bien placée pour les recevoir un peu plus tard, et, à l’aide de gomme arabique, on fixe sur la face inférieure un papier noir ; dans le papier destiné à recouvrir la face supérieure on a découpé des lettres, de telle sorte que, au moment où l’expérience commence, on n’aperçoit la couleur verte de la feuille qu’au travers des découpures du papier ; les parties ainsi découvertes seules seront bientôt éclairées. On laisse agir le soleil pendant quelques heures, puis on détache la feuille ainsi partiellement insolée, on la décolore à l’aide d’alcool ou de chloral, puis on la maintient pendant quelques instans dans la teinture d’iode ; on enlève ensuite l’excès