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pendant sa courte existence. Or l’analyse nous enseigne que le poids de carbone contenu dans le colza ou le blé surpasse de beaucoup celui qui existait dans la graine, et comme, ainsi qu’il a été dit, ni la dissolution nutritive ni le sable calciné ne renfermaient de carbone, il faut qu’il ait été pris dans l’air. Il s’y trouve, en effet, parcimonieusement répandu sous forme d’acide carbonique, c’est-à-dire d’une combinaison de carbone et d’oxygène. Notre atmosphère ne renferme que 3 dix millièmes d’acide carbonique, et il semble au premier abord que les feuilles auront quelque peine à se saisir de ces rares molécules d’acide carbonique noyées dans un océan d’oxygène et d’azote : il est facile cependant de montrer par l’expérience combien est rapide cette absorption de l’acide carbonique aérien par la végétation.

Quand on délaie de la chaux dans l’eau, on en dissout de petites proportions ; si on sépare par un filtre le liquide de la chaux non dissoute, on obtient une liqueur limpide désignée dans les laboratoires sous le nom d’eau de chaux : c’est là un réactif précieux pour caractériser l’acide carbonique. Si, en effet, on fait barboter de l’air commun dans l’eau de chaux, elle ne tarde pas à se troubler ; l’acide carbonique produit, en s’unissant à la chaux, un composé insoluble dans l’eau : le carbonate de chaux, qui, sous forme de craie, de calcaire grossier de marbre, est très commun à la surface du globe. Imaginons maintenant qu’on ait tapissé un long tube de verre de feuilles longues et étroites comme celle d’une graminée, puis qu’on appelle, à l’aide d’un écoulement d’eau, un courant d’air, qui devra parcourir le tube avant d’atteindre un flacon d’eau de chaux interposé entre l’extrémité du tube et l’aspirateur, et l’on verra que l’air qui a passé sur les feuilles ne trouble plus l’eau de chaux ; il a été dépouillé de son acide carbonique ; et il faut beaucoup accélérer la rapidité du courant d’air pour reconnaître, par un léger trouble qui survient dans l’eau de chaux, que quelques molécules d’acide carbonique ont échappé aux feuilles. Elles doivent cette puissance d’absorption à l’eau qui les gorge ; l’acide carbonique est très soluble, et quand on détermine rigoureusement par l’expérience la quantité d’acide carbonique qu’absorbent des feuilles appartenant à diverses espèces végétales maintenues à des températures variables, on trouve que ces quantités sont presque identiques à celles qu’auraient dissoutes, à ces mêmes températures, des quantités d’eau égales à celles que contiennent les feuilles en expérience.

La structure de la feuille est admirablement adaptée à cette fonction spéciale : saisir l’acide carbonique aérien. Elle est plate, d’énorme surface par rapport à son poids, attachée à un rameau