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résultat nouveau qui démontre combien on diminue les pertes d’azote en maintenant le sol couvert de végétaux le plus longtemps possible.

Pendant l’hiver 1892-1893, une terre de Grignon découverte laissait couler des eaux de drainage renfermant 145 grammes d’azote nitrique par mètre cube ; les eaux qui avaient traversé une prairie de graminées n’en contenaient que 13 grammes par mètre cube ; en calculant pour un hectare, la terre nue perdait 81 klit,185 d’azote nitrique, la terre de prairie 10 klit, 3 : les eaux qui traversent les cultures de blé d’automne sont aussi pendant l’hiver beaucoup moins chargées que celles des terres découvertes.

Ainsi les nitrates sont retenus ; comment le sont-ils ? Pendant l’hiver la croissance des plantes est ralentie, la formation des principes immédiats azotés faible ou nulle ; les nitrates que les eaux de drainage n’avaient pas entraînés, que l’activité vitale n’avait pas transformés, devaient se retrouver en nature dans les racines et dans les tiges, et en effet il est facile de les y caractériser[1]. Ils sont engagés dans une combinaison assez stable pour résister aux lavages à l’eau froide ; un de mes élèves, M. Demoussy, a montré qu’il faut tuer la cellule à l’aide du chloroforme pu par la dessiccation pour lui arracher les nitrates qu’elle renferme. Pendant l’hiver les plantes herbacées emmagasinent dans leurs racines et leurs tiges les nitrates qu’ils utiliseront au réveil de la végétation au printemps, et cette curieuse propriété explique comment les pertes par les eaux de drainage s’atténuent dans les terres emblavées.

Toutes les plantes que nous cultivons abandonnent au sol qui les a portées, des résidus, des débris qui servent à l’alimentation des récoltes suivantes : ce sont encore des engrais végétaux mais de valeur très inégale. Si les racines et les chaumes des céréales, les fanes de pommes de terre ne présentent qu’une médiocre richesse, il n’en est plus ainsi des feuilles qui restent sur le sol après le fanage du foin des prairies artificielles et des racines qu’elles laissent dans le sol. De toutes les plantes de grande culture, c’est cependant la betterave qui fournit les résidus les plus abondans ; on ne conduit aux sucreries, aux distilleries, ou même aux silos que les racines ; le collet qui porte encore les feuilles est

  1. Nous avons actuellement dans les laboratoires un réactif qui nous permet de caractériser très nettement de faibles quantités de nitrates, c’est le sulfate de diphénylamine ; on présence de ces sels il prend une coloration bleu indigo ; or si, en hiver, on arrache quelques racines de graminées ou de légumineuses, qu’on les sèche 100 », puis qu’on y ajoute du sulfate de diphénylamine, on leur voit prendre la coloration bleue, démontrant qu’elles sont gorgées de nitrates.