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de pourpre ; Paul II[1], la barrette et le cheval blanc : Urbain VIII ordonna, le 10 janvier 1630, qu’ils fussent qualifiés d’Eminence ou d’Eminentissime et révérendissime seigneur. Ils eurent, par tout pays, le pas sur les évêques et archevêques, même sur les métropolitains, et même, en France, aux audiences royales de Parlement, sur les pairs ecclésiastiques. Ils eurent donc un pouvoir réel et entier, dans sa force et dans sa splendeur ; ils eurent l’action et l’état. On ajoutera, si l’on veut, que le pape, à mesure qu’il travaillait à se mettre au-dessus des conciles et à faire de l’Eglise une monarchie, éprouvait le besoin de s’appuyer ou de paraître s’appuyer sur un grand corps à tout instant présent ou représenté auprès de lui, constitué si haut en dignité qu’il n’y en eût point de comparable, sur un Sénat chrétien qui fût (nul ne s’abstrait facilement à Rome des souvenirs de l’antiquité classique) tout ce que l’autre avait été de glorieux et de majestueux ; qui fût cela, quant aux choses terrestres et, quant aux choses éternelles, la plus sainte et la plus auguste assemblée que puissent tenir des hommes en qui toute humanité n’est pas morte. Ce grand corps toujours présent ou représenté près du pape, ce Sénat chrétien, ce Conseil romain de l’Eglise universelle, c’est le Sacré-Collège des cardinaux, séminaire de souverains-pontifes, on n’ose dire école, mais réunion magistrale de politiques et de diplomates, où n’ont jamais manqué les hommes d’État pour le gouvernement de l’Eglise.


III

Tout gouvernement a besoin de ministres et le ministre implique le ministère. L’Eglise n’échappe pas à cette nécessité commune. Elle s’y plie, en modifiant les formes, en se les adaptant, en se les accommodant. Depuis qu’elle n’a plus le pouvoir temporel, elle n’a plus, à dire le vrai et dans le sens ordinaire des mots (il en faut toujours revenir là), ni législation, ni finances, ni travaux publics, ni armée, ni police, ni rien de ce qui fait la matière ou l’objet habituels du gouvernement. Depuis 1870, le ministre de l’intérieur ne figure plus que sur la liste de la Chapelle pontificale, parmi les assistans au trône, et les douze chevaux du prince Massimo, grand-maître des postes du Saint-Père, se reposent en leurs écuries. Mais le pape accrédite encore des ambassadeurs auprès des puissances, et les puissances accréditent encore des ambassadeurs près du pape. Ces ambassadeurs du pape au dehors,

  1. 1464.