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chefs des ordres, il est comme le pape de l’interrègne ; il constate le décès du souverain pontife, il a les clefs du commandement et le bâton aux pommes d’or ; il est commis à la garde du conclave et, au nom du Sacré Collège, il exerce le gouvernement effectif de l’Église. — Le camerlingue actuel de la sainte Église romaine est le cardinal Oreglia di Santo Stefano.

Si le secrétaire d’État représente au temporel et parmi les nations la personne du souverain pontife, le cardinal-vicaire la représente au spirituel, dans le diocèse de Home. Seulement, son pouvoir ne tombe pas à la mort du pape ; il le conserve jusqu’à l’élection du successeur, se contentant de changer un peu son titre et, au lieu de Vicaire général de Notre Seigneur le pape, de se dire Vicaire général et Juge ordinaire de Rome. L’union entre le pape et son Vicaire général, malgré ce qu’on en peut supposer, n’est pas nécessairement aussi intime qu’entre le pape et le secrétaire d’État : ils ne sont pas, comme le pape et le secrétaire d’État, en contact incessant, en communication constante. Depuis que l’Église romaine, s’épanouissant et rayonnant, se multipliant et s’unifiant tout ensemble, est devenue l’Église universelle, le pape n’est plus guère, en fait, il n’est plus guère que de nom l’évêque de Rome et, même en ce point, l’ordre ancien est comme retourné. C’est depuis lors, vraiment, que Rome n’est plus dans Rome et que le pape doit être partout où est l’Église. Il en résulte que le cardinal-vicaire est, à côté du pape, évêque nominal et, en quelque sorte, évêque historique de Rome, le véritable évêque, un évêque presque autonome, ainsi que les évêques le sont dans leur diocèse.

Le vicaire général du pape Léon XIII pour le diocèse de Rome est le cardinal Lucido-Maria Parocchi, évêque titulaire d’Albano. Lorsqu’on l’a vu et qu’on a vu le pape, on se les imagine malaisément tous deux en collaboration quotidienne. Dans le langage, dans les manières et comme dans l’aspect physique du cardinal Rampolla, on retrouve quelque chose de Léon XIII ; il semble qu’il porte sur lui comme le pli d’une longue habitude ; Léon XIII se devine et se touche en son secrétaire d’État. Avec le cardinal-vicaire, quel étrange contraste ! Rond, gros, court, rouge, l’œil d’un noir intense et brillant, l’œil de jais, sous le buisson noir des sourcils, toujours abordable à tout venant, toujours en quête d’un confident qui ne se croie point trop lié par le secret professionnel, toujours à la chasse d’un bon mot et même de ce qu’en français nous appelons un calembour, vif, expansif et démonstratif, gai, familier, bonhomme, d’une bonhomie un peu popolana, un peu facile, qui se prodigue un peu, sans que sa familiarité choisisse plus que sa gaieté, le cardinal-vicaire donne ou prête volontiers