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sa main gantée d’une mitaine de soie, s’épanche ou feint de s’épancher volontiers, a d’autant plus d’amis ou du moins de cliens que, comme le dit un de ses collègues, « son caractère le pousse à témoigner successivement des préférences à tout le monde ».

Chose étonnante chez un princes de l’Eglise ! s’il a des préférences moins fugitives que les autres, c’est pour les journalistes de tout parti et de tout pays. Peut-être se complaît-il en eux, par souvenir du temps où il organisait et inspirait dans la Haute-Italie des campagnes ardentes contre la société moderne en général et, en particulier, contre le gouvernement italien. Il écrivait alors ou il faisait écrire d’une plume emportée, qui éclaboussait d’encre et crevait le papier : il parlait plus encore, d’une parole bouillonnante et colère. La maison de Savoie n’avait pas de plus éloquent, de plus abondant, de plus violent détracteur. Il ne se lassait pas de paraître en public et ce n’était jamais pour prier seulement. Du siège de Pavie, il fut transféré à Bologne et ne put obtenir son exequatur, tant il avait médit du dernier roi, du roi régnant et de la royauté. Appelé à Rome, puis promu au vicariat général, on s’attendait à ce qu’il déclarât la guerre à ceux qui n’étaient plus pour lui que les Piémontais, des barbares, et dont il dit qu’ils ne seraient, en cas de malheur, regrettés que « de quelques concierges de Turin. » Que 1868 était loin, quand, professeur à Mantoue, sa ville natale, il se proclamait fièrement patriote avant tout et célébrait, en phrases exaltées, l’Italie « levée comme un seul homme pour expulser de ses nids redoutables l’aigle à deux têtes de l’Autriche » !

Depuis 1868, que de préférences successives avait montrées le cardinal-vicaire et que d’excessives animosités ! Et néanmoins, patriote avant tout, même dans Home, après le 20 septembre, il crut devoir autoriser la bénédiction solennelle des drapeaux de l’armée royale. Ce fut assez pour qu’aussitôt de belles espérances vinssent se reposer sur lui. On rechercha dans ses premiers discours, dans ses œuvres de jeunesse, et l’on découvrit avec joie qu’avant l’épiscopat il avait commencé par unir en un même culte le roi et le pape, l’Italie et l’Eglise et par concilier toutes choses dans l’amour de Dieu et de la Patrie. Ces espérances italiennes sont-elles à jamais évanouies ? Où en est maintenant le cardinal-vicaire ? Qui hait-il et qui aime-t-il ? Est-il patriote avant tout, ou avant tout est-il vicaire général de Rome ? En politique aussi, ses préférences sont variables et vont successivement à tout le monde ; il y aurait pis, et ce serait que tout le monde pût simultanément se flatter de les avoir… On voit que le cardinal Parocchi ne ressemble en rien ni au pape ni au secrétaire d’État ; sa route n’est pas droite et lisse comme la