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siècles ont déjà passé sur l’Eglise, si bien qu’à regarder de loin cet assemblage, il est étrange. Camériers de cape et d’épée, camériers secrets participans, sacriste pontifical, sous-sacriste des saints palais, chapelains et clercs secrets, chapelains communs, princes romains assistans au trône, protonotaires, commandeur du Saint Esprit, maître du Saint Hospice, avocats du Sacré Consistoire, pénitenciers de la basilique vaticane, acolytes céroféraires, maîtres ostiaires ou huissiers à verge rouge, custode des saints trirègnes, massiers et curseurs apostoliques, n’est-ce pas autrefois, immobilisé, fixé, momifié dans aujourd’hui ? Mais l’Église n’est pas seulement ce cadavre embaumé et paré : elle est vivante sous la châsse. Sans provinces, elle est une puissance ; sans États, elle est un État ; sans armée, sans impôts, sans les moyens ordinaires de contraindre, sans les organes ordinaires du gouvernement, elle possède le gouvernement le plus souple, le plus précis, le plus maître de son action, le plus sûr de son autorité. Même comme puissance, comme État, comme gouvernement, elle a ses morts, mais elle vit : avoir été ne l’empêche pas d’être, hier ne lui interdit pas demain, son histoire n’est pas finie et n’est pas toute derrière elle.

Dès à présent, un fait domine cette histoire : c’est que la Papauté, le Sacré-Collège, le gouvernement de l’église se sont, de romains et locaux qu’ils étaient tout d’abord, catholicisés, universalisés. Ce n’est pas à dire qu’on ne puisse plus distinguer dans le gouvernement de l’Eglise, dans le Sacré-Collège, dans la papauté elle-même, un élément romain, local, et, d’autre part, un élément catholique ou universel. Mais tandis que, plus près des origines, l’élément romain et local était prépondérant, formait comme le noyau, comme la cellule et de la papauté et du Sacré-Collège, de nos jours c’est l’élément universel qui marche, et ce sera de plus en plus lui qui marchera le premier. Le pape est toujours l’évêque de Rome, mais il est, beaucoup plus qu’il ne l’était jadis, le Souverain Pontife, le Père commun des nations catholiques ; le Sacré-Collège comprend toujours des cardinaux de curie et des cardinaux de couronne, mais, quoique les cardinaux de curie y représentent l’élément romain, il faut surtout entendre, par élément romain, l’élément résidant à Rome. Pendant longtemps, il n’y eut aucune proportion entre cet élément prépondérant et l’élément universel : le caractère universel est si bien reconnu désormais qu’il y a entre les deux élémens une proportion établie par l’usage et une certaine proportion, également établie par l’usage, dans la répartition des chapeaux de cardinal entre les différentes nations catholiques. C’est, en effet, une erreur, d’opposer dans le Sacré-Collège des cardinaux italiens à des