quelque temps encore, il s’agissait d’une diminution constante des bénéfices d’année en année ; cette étape a été franchie, et l’on est entré dans la période des pertes chroniques, la perte de chaque année étant plus forte que celle de l’année précédente. Propriétaires et fermiers sont également frappés et ne peuvent plus lutter, écrasés par la force de lois économiques sur lesquelles ils n’ont point de contrôle. Aussi voit-on se multiplier le nombre des cottages vides, des fermes abandonnées. La charrue se retire, si admirable pour le labour que soit le sol. Des fermiers écossais ont été attirés par la dépréciation des taux des pâturages ; ils élèvent du bétail et vendent du lait aux Londoniens. Mais déjà la concurrence est grande et les prix vont cesser d’être rémunérateurs.
La question de la détresse de l’agriculture dans le comté d’Essex a été agitée le 11 juin dans les deux chambres du Parlement anglais. La discussion n’a abouti à aucun résultat. Le chancelier de l’Échiquier a dû déclarer qu’il ne voyait aucun remède aux maux actuels qui accablent les cultivateurs. Il a reconnu qu’il était déplorable de voir non seulement dans l’Essex, mais dans nombre d’autres comtés de l’Angleterre, des terres à blé cesser d’être cultivées et leur capacité de produire s’éteindre brusquement. Mais le gouvernement ne dispose d’aucun moyen pratique pour combattre ces conséquences de l’implacable concurrence étrangère. On a proposé comme remèdes la protection et le bimétallisme ; ni le gouvernement n’est disposé à recommander au parlement ces deux expédiens, ni le parlement à les adopter.
Les choses ne se passent pas ainsi chez nous. Il ferait beau voir un membre de notre cabinet, M. Viger, par exemple, qui vient de porter la bonne parole aux agriculteurs français dans tant de concours régionaux, répondre à la tribune de la Chambre qu’il ne connaît pas de remède gouvernemental pour les souffrances de l’agriculture. Les remèdes abondent, et l’ordonnance des docteurs en présente une belle énumération, à commencer par le fameux droit de 7 francs. Ce droit, disait-on il y a trois mois, suffirait assurément pour maintenir à 25 francs le prix du quintal de blé : or, depuis le vote du droit, ce prix n’a guère dépassé 20 francs ; il tombait il y a peu de jours à 18 fr. 75, alors qu’à Londres des apports argentins de froment se vendaient 12 francs le quintal.
L’écart du droit se trouve ainsi conservé et nos agriculteurs en ont le plein profit. Mais ouvrons le Journal Officiel et relisons