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C’est ainsi qu’au Congrès pénitentiaire de Paris (21-24 mai 1893), on a vu abbés, pasteurs et rabbins, sœurs de charité et diaconesses travailler et vivre côte à côte, avec la plus édifiante confraternité. Ici, encore, le ton a été donné par Léon XIII, avec la hauteur de vues et l’esprit vraiment apostolique qui le distinguent. Il vient d’en donner une preuve solennelle dans l’Encyclique du 20 juin, par laquelle il invite les païens, les schismatiques et les protestans à se rallier dans l’unité de la foi et de la connaissance de Jésus-Christ. Quand M. Paul Desjardins lui a exposé le programme de son Union pour l’action morale, le pape lui a dit qu’il verrait toujours avec satisfaction des catholiques, et notamment des prêtres, participer à désœuvrés entreprises par des juifs ou des protestans de bonne volonté. Le pape n’aurait certes désavoué ni le beau panégyrique que l’évêque de Fréjus a fait en octobre dernier d’un marin protestant, l’amiral Jauréguiberry, ni les éloges que des écrivains catholiques, des prélats même, ont décernés aux livres, si profondément imbus d’esprit chrétien, du pasteur Wagner[1].

Jusqu’ici, nous n’avons passé en revue que des actes individuels, à titre de symptômes de l’évolution qui rapproche les esprits d’élite dans les confessions catholique et protestante[2]. Mais il y a plus, et des tentatives ont été faites depuis vingt ans, avec des succès divers, pour réconcilier des groupes entiers d’Églises. C’est ce que nous allons maintenant examiner.

L’initiative a été prise par un catholique indépendant, le chanoine Ignace Dœllinger[3]. Le savant professeur de Munich, n’ayant pu souscrire en conscience au dogme de l’infaillibilité du pape, cherchait à se consoler de sa rupture avec l’Église romaine, en fraternisant avec d’autres schismatiques. À la suite de conférences sur la réunion des Églises, données par lui à Munich (1872), un comité de vieux catholiques d’Allemagne convoqua à Bonn des représentans, clercs et laïques, des églises anglicane, russe, et grecque orthodoxe. Dans trois conférences tenues à Bonn, en 1873, 1874 et 1875, ces délégués, réunis aux vieux catholiques d’Utrecht et de Suisse, adoptèrent, comme traits

  1. Nous avons eu sous les yeux une lettre de M. Melchior de Vogué, adressée à l’auteur de Justice et de Jeunesse, qui est un signe des temps. On y voit combien les âmes élevées, dans les deux confessions, sont rapprochées dans leur façon d’envisager les problèmes de la conscience, de l’ordre social et de la morale.
  2. Voyez pour de plus amples détails le dernier livre de M. Ernest Naville : Le Témoignage du Christ et l’Unité du monde chrétien. Paris et Genève, 1893.
  3. Il convient pourtant de mentionner la tentative faite par Martin-Paschoud, l’un des pasteurs de l’Église réformée de Paris, pour établir une Alliance chrétienne universelle (1855) sur la base de l’amour de Dieu, l’amour des hommes, l’amour de Jésus-Christ.