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d’union les symboles des conciles œcuméniques des huit premiers siècles, antérieurs au grand schisme d’Orient. Des relations régulières s’établirent entre les Églises orthodoxes de Grèce et de Russie et les Églises anglicane et ancienne catholique. Malheureusement, au dernier congrès vieux-catholique tenu à Lucerne (1892), le levain sectaire a prévalu sur l’esprit vraiment catholique, qui avait animé les initiateurs du mouvement. Des orateurs ont fait entendre des récriminations amères à l’adresse du pape Léon XIII, et le congrès a voté une première résolution où il est dit : « que l’ancien catholicisme n’est pas seulement une protestation contre les nouveaux dogmes du Vatican, mais encore un retour au vrai catholicisme de l’ancienne église une et indivisée, par l’élimination des corruptions contenues dans le système de l’Église papiste et jésuitique. » Singulière façon de préparer l’union des Églises que d’excommunier par avance le pape et l’Église catholique romaine, la plus considérable de toutes ! Aussi cette tentative, si l’on continue dans la voie d’exclusion où l’on est entré, nous paraît-elle condamnée à échouer misérablement.

Léon XIII a été mieux inspiré lorsqu’il a invité les Églises orthodoxes et schismatiques d’Orient à participer aux solennités eucharistiques de Jérusalem. Le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, a été délégué spécialement par le pape pour présider à ces solennités, qui ont attiré environ 3 000 pèlerins et étrangers et ont fourni l’occasion d’un congrès entre les prélats grecs et latins (15-21 mai 1893). La base d’union paraissait de prime abord très heureusement choisie. Quoi de plus séduisant que la pensée de réunir les chrétiens autour de la table eucharistique, symbole du sacrifice qui a réconcilié Dieu et les hommes ! Quel plus beau modèle à présenter aux dissidens que le spectacle de cette première Église de Jérusalem dont saint Luc nous dit que : « tous ses membres persévéraient dans la doctrine des Apôtres et vivaient en communion fraternelle, par la fraction du pain et par les prières (Actes II, 42). » Voilà, semble-t-il, la meilleure formule d’union : unité dans la foi apostolique, dans l’eucharistie et dans la prière, et liberté dans les rites et usages liturgiques. Sur ce second point, le cardinal Langénieux a été parfaitement explicite : « La multiplicité des rites est non seulement tolérée par le Saint-Siège ; elle est nécessaire, parce qu’elle répond, dans les différens pays, à des besoins impérieux, qu’elle sauvegarde des droits acquis et qu’elle respecte des libertés nationales. »

Malheureusement, le vieil esprit dogmatique et autoritaire l’a emporté ; on a interprété le verset de saint Luc dans un sens très éloigné de la pensée de l’évangéliste. La doctrine des Apôtres, ce serait tout le système des dogmes décrétés par les conciles ou