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s’orienter et s’attacher librement aux objets éternels de la religion.

C’était aussi le sentiment du rabbin C. Hirsch, dans son discours sur les Elémens de la Religion universelle. Ces élémens indestructibles, d’après lui, sont l’idée du Dieu esprit, la conscience du péché et le pardon assuré au repentir sincère, la foi en une vie future et le fait de pratiquer la prière « en esprit et en vérité », la méditation de toute révélation de Dieu dans les « Bibles de l’humanité » et surtout la pratique de la charité, cette charité sans restriction, dont Jésus a donné le modèle et qui pénétrera toutes les relations de la société humaine[1]. « Jésus-Christ sera le véritable unificateur de l’humanité, » telle est la prédiction faite en termes plus ou moins clairs par plusieurs brahmanes et rabbins, mais explicitement par tous les organes des grandes communions chrétiennes : Mgr Latas, pour l’Église grecque ; Mgr Keane, pour l’Église romaine ; les révérends Boardman et Barrows au nom des dénominations protestantes. C’est sa personne et son Évangile et non pas le chef de telle ou telle Église ou son credo qui sont le pôle vers lequel gravite le monde religieux. Mgr Keane avait à traiter cette question : Quel sera le centre final de la Religion ? Voici, en résumé, sa réponse :

« Ce parlement a montré que les efforts de toutes les races de la terre pour répandre la doctrine de Dieu, tous les moyens essayés par le Tout-Puissant pour unir les hommes aboutissent logiquement à un point culminant : Jésus-Christ. Les grands conducteurs religieux du monde avouent qu’ils ne sont que des précurseurs, tâtonnant dans les ténèbres et montrant du doigt à l’horizon l’aurore de celui qui devait être la « Lumière du monde ». Ainsi le verdict des siècles proclame, avec l’apôtre des Gentils, qu’aucun autre fondement ne peut être posé que celui qui a été posé par Dieu même, à savoir Jésus-Christ. Aussi longtemps que Dieu sera Dieu et que l’homme sera l’homme, Jésus-Christ sera le centre de la religion à jamais. — Quant à son Église, elle a deux côtés. Du côté humain, il y aura toujours, comme il y a toujours eu, place pour toutes les réformes, pour l’élimination des défauts humains, car Notre-Seigneur n’a fait aucune promesse d’impeccabilité humaine. Mais, du côté divin de l’Église, il ne saurait y avoir aucun changement, ni l’ombre d’une altération… Cette Église doit devenir un organisme parfait ; toutes l’es diversités doivent se fondre dans l’unité, suivant le vœu du Seigneur : « Puissent-ils être un en nous comme toi, ô Père, tu es en moi et moi en eux, afin qu’ils soient perfectionnés dans l’unité ! »

  1. Comp. le mémoire de M. Albert Réville sur Les Conditions et les perspectives d’une Religion universelle ; Barrows, II, 1363.