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139 811 dans l’Ille-et-Vilaine, de 124 633 à 152 617 dans la Loire-Inférieure.

Dans les sables de la Sologne, pauvres en acide phosphorique, les engrais phosphatés exercent également une action marquée. Si la Haute-Vienne est aujourd’hui prospère, c’est non seulement à la chaux qu’elle le doit, mais aussi à l’acide phosphorique. Les phosphates répandus à la fin de l’été sur les prairies les métamorphosent ; l’année suivante la flore a changé, et les légumineuses, déjà favorisées par les chaulages, prennent possession de terrains où elles étaient inconnues naguère.

L’expérience enseigne que sur les terres récemment défrichées, que sur les landes mises pour la première fois en culture, la poudre des nodules réussit admirablement… Dans une terre de défrichement les débris organiques abondent : quand cette terre est aérée, que tous ces résidus des végétations antérieures jusque-là ensevelis, enterrés, arrivent au jour, ils sont l’objet d’une combustion énergique ; le sol se charge d’acide carbonique, on y constate même de petites quantités d’acides plus énergiques, notamment d’acide acétique. Or ces acides attaquent, dissolvent, rendent assimilable la poudre des nodules. Aussi, quand pour donner à ces sols de landes tous les élémens minéraux qui leur manquent, on est conduit à les chauler, il faut prendre garde à ne pas donner la même année les phosphates et la chaux : en saturant les acides du sol, cette base empocherait la dissolution, par suite l’assimilation des phosphates. Les cultivateurs bretons ont même remarqué qu’un chaulage succédant brusquement à l’épandage des phosphates diminuait leur effet : « la chaux brûle le noir, » disaient-ils au moment où le noir animal était le seul engrais phosphaté employé.

Si le noir animal, les os, la poudre de nodules, ont été d’abord répandus avec grand avantage sur les terres granitiques ou schisteuses, sur les sables où l’acide phosphorique fait défaut, l’emploi des phosphates n’est pas limité à ces terres autrefois abandonnées, et on conçoit sans peine que les contrées qui depuis un temps immémorial sont en culture aient perdu peu à peu le stock d’acide phosphorique qui dès l’origine les avait rendues fertiles. L’épuisement est très lent, car l’acide phosphorique n’est pas entraîné par les eaux qui traversent le sol ; on n’en trouve pas dans les eaux de drainage : il n’est exporté du domaine que par les récoltes. Mais une bonne terre de Beauce ou de Brie qui depuis deux mille ans produit du froment exporte 900 grammes d’acide phosphorique par chaque quintal de blé qui sort du domaine : c’est cet acide phosphorique qui a formé