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face de la peinture. Le perfectionnement des moyens matériels, en perdant peut-être du côté de la simplicité de l’impression, découvre des sources d’effets de variété et de richesse, etc.

Ces changemens sont ceux qu’amènent nécessairement le temps et des inventions nouvelles : il est puéril de vouloir remonter le courant des âges et d’aller chercher dans des maîtres primitifs. Ils semblent croire que l’indigence du moyen est sobriété magistrale, etc.

La fresque dans nos climats est sujette à plus d’accidens, Encore dans le Midi est-il bien difficile de la maintenir. Elle pâlit, elle se détache du mur.

La plupart des livres sur les arts sont faits par des gens qui ne sont pas artistes : de là tant de fausses notions et de jugemens portés au hasard du caprice et de la prévention. Je crois fermement que tout homme qui a reçu une éducation libérale peut parler pertinemment d’un livre, mais non pas d’un ouvrage de peinture ou de sculpture.

Dimanche, 11 janvier. — D’où vient cette qualité particulière, ce goût parfait qui n’est que dans l’antique ? Peut-être de ce que nous lui comparons tout ce qu’on a fait en croyant l’imiter. Mais encore, que peut-on lui comparer dans ce qui a été fait de plus parfait dans les genres les plus divers ? Je ne vois point ce qui manque à Virgile, à Horace. Je vois bien ce que je voudrais dans nos grands écrivains et aussi ce que je n’y voudrais pas. Peut-être aussi que, me trouvant avec ces derniers dans une communauté, si j’ose dire, de civilisation, je les vois plus à fond, je les comprends mieux surtout, je vois mieux le désaccord entre ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont voulu faire. Un Romain m’eût fait voir dans Horace et dans Virgile des taches ou des fautes que je ne peux y voir ; mais c’est surtout dans tout ce qui nous reste des arts plastiques des anciens que cette qualité de goût et de mesure parfaite se trouve au plus haut point de perfection.

Titien est un de ceux qui se rapprochent le plus de l’esprit de l’antique. Il est de la famille des Hollandais et par conséquent de celle de l’antique. Il sait faire d’après nature : c’est ce qui rappelle toujours dans ses tableaux un type vrai, par conséquent, non passager comme ce qui sort de l’imagination d’un homme, lequel ayant des imitateurs en donne plus vite le dégoût. On dirait qu’il y a un grain de folie dans tous les autres ; lui seul est de bon sens, maître de lui, de sa facilité et de son exécution, qui ne le dominent jamais et dont il ne fait point parade. Nous croyons imiter l’antique en le prenant pour ainsi dire à la lettre, en faisant