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sont pas demeurés indifférens aux attaques dont ils sont l’objet, et qu’ils essaient de pourvoir par eux-mêmes à la défense de leurs intérêts. De dures expériences leur ont appris, dans ces derniers temps, qu’on a tort de s’abandonner soi-même et de se reposer sur une protection extérieure. Il ne tient qu’à eux de faire preuve du même esprit d’initiative et de la même énergie que les industriels anglais, qui ne se réclament d’aucun appui administratif. Les Trade-Unions anglaises disposent d’une force numérique et de ressources pécunaires fort supérieures à celles qui sont au service des syndicats français : cependant, les industriels d’outre-Manche ont réussi jusqu’ici, par leur entente et leur résolution, à tenir tête aux coalitions formées contre eux, et ont fait avorter plus des deux tiers des grèves, sans aucune intervention des pouvoirs publics, demeurés spectateurs passifs des souffrances engendrées par ces luttes déplorables. Il serait profondément regrettable que l’institution des syndicats n’eût en France d’autres résultats que d’ouvrir une sorte de champ clos et de mettre des armes aux mains d’adversaires toujours prêts à s’entre-déchirer. L’exemple de la Belgique, où les syndicats mixtes de patrons et d’ouvriers exercent une action si salutaire pour prévenir ou apaiser les conflits industriels, nous convainc que le rapprochement des patrons et des ouvriers, l’établissement entre eux de relations fréquentes et régulières, feraient tomber bien des préventions, dissiperaient bien des malentendus et tiendraient une porte toujours ouverte à la conciliation. Le nombre des syndicats mixtes de patrons n’était encore en France, en juillet 1891, que de 120 : la faiblesse de ce chiffre montre à quel degré d’acuité on a réussi à porter l’antagonisme des deux facteurs de la production. Cependant, comme ce chiffre est le résultat d’un progrès continu qui ne s’est interrompu aucune année, il autorise l’espérance que le temps, l’expérience et l’influence des esprits sages et modérés pourront faire acquérir aux idées de conciliation une force qui leur manque encore, et préviendront le retour de conflits désastreux pour la fortune publique.


II

Etudions maintenant l’organisation d’une force collective qui jettera dans la balance de nos destinées un poids décisif : nous voulons parler de la population rurale, qui compte entre 18 et 19 millions d’âmes et qui constitue, à elle seule, la moitié de la nation française. C’est cette masse énorme que les sectes anti-sociales, communistes, collectivistes, anarchistes, etc., devraient